Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/26

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sauver ; il avait remporté contre Antoine la victoire d’Actium ; il avait soumis l’Égypte, il rentrait à Rome en triomphe. Un immense besoin de cette paix à peine goûtée, tant de fois rompue, fit que tous se précipitèrent à sa rencontre et lui offrirent, lui jetèrent aux pieds tous les pouvoirs comme à un libérateur et à un Dieu. Il avait trente-trois ans.

Il s’est vu, à certaines heures du monde, de ces moments extraordinaires où toute une nation épuisée, haletante depuis des années, depuis des demi-siècles, aspirant à un état meilleur, se tourne ardemment vers l’ordre, vers le repos et le salut, par une sorte de conspiration sociale, violente, universelle ; mais nul moment n’a été plus solennel, plus marqué par une convulsion, par une crise publique de ce genre, que cet ancien et premier retour d’Égypte et d’Orient, cette rentrée d’Auguste triomphateur et pacificateur dans Rome : depuis Brindes où il débarqua, jusqu’à la Ville éternelle, sa marche au milieu du concours des populations n’était qu’un triomphe. Plus rien d’Octave n’était plus : l’ère d’Auguste avait commencé.

Ce triomphe dura trois jours (août, 29 ans avant Jésus-Christ). Auguste (car il l’était déjà sans en avoir encore le nom) dédia la chambre Julienne, le palais Jules, consacré au dictateur César, et qui fut le lieu des assemblées du Sénat ; il y plaça sur un autel la statue de la Victoire rapportée de Tarente, cette statue célèbre depuis dans la lutte du Christianisme contre les faux dieux et qui lui résista longtemps. On célébra durant plusieurs jours des jeux de toute espèce : « Marcellus, Tibère, et les jeunes Romains des premières familles, brillèrent dans ce qu’on appelait le jeu de Troie, simulacre d’un combat de cavalerie que les Césars aimaient à donner en spectacle au peuple à cause de leur origine troyenne, qu’ils faisaient remonter jusqu’à Iule, fils d’Énée et fondateur d’Albe-la-Longue. » Auguste, après César, avait institué cette joute élégante et parfois périlleuse, où figuraient, en mémoire d’Iule, la tendre élite de la jeunesse, les adolescents de quatorze à dix-huit ans.