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donc tant que vous le voudrez et élargissez l’horizon : remontez aux antiquités, aux origines ; reprenez même en partie des sujets déjà traités par d’autres : mais que par quelque endroit essentiel, par quelque courant principal de l’inspiration, il y ait nouveauté, et application, appropriation des choses passées au temps présent, à l’âge du monde où vous êtes venu, et à ce qui est de nature à intéresser d’une manière élevée le plus d’esprits et d’âmes : le vrai et vivant succès est à ce prix. — Vivez au moins une première fois, c’est la première condition pour vivre toujours.


IV. LE CHANTRE ÉPIQUE SELON HOMÈRE, ET LE POËTE ÉPIQUE SELON VIRGILE.


Sans entrer ici dans les définitions générales de ce qu’est un poëme épique, une narration épique, toutes choses qui se définissent par elles-mêmes et par la lecture des poëtes bien mieux que par des formules, je ne puis cependant ne pas faire et établir la grande division.

Il y a eu la narration épique primitive, la rhapsodie homérique, ce qu’au moyen-âge on appelait la chanson de geste, une branche de récit qui se racontait en public, souvent avec accompagnement de musique (une musique très-sobre), de manière à faire une sorte de récitatif distinct et accentué. Et il y a eu, il y a le poëme épique proprement dit, ouvrage de haute méditation et de cabinet, et le plus noble produit de l’effort poétique aux époques de culture et de goût.

Homère, avec les deux poëmes qu’on lui attribue, et qui semblent en effet porter, dans leur ensemble au moins, l’empreinte d’un seul et même génie, Homère offre le plus grand et le plus bel exemple de la première espèce de narration épique, alors que le poëte était véritablement un chantre ; il est le père et comme le dieu de cette première