Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/164

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CHAPITRE XV.

les deux armées en présence


Quantum in nobis nous avons bien pensé à épargner le sang chrétien, à essayer si, par la médiation d’un traité ou d’un accommodement, nous ne pourrions pas terminer la querelle et régler ce duel sanglant sans en venir aux coups.
Butler.


Le pas accéléré des cavaliers ôta bientôt à nos zélés captifs la respiration, sinon la volonté nécessaire pour continuer leurs harangues. Ils avaient fait plus d’un mille depuis qu’ils étaient sortis des taillis entrecoupés de clairières qui succèdent au bois de Tillietudlem ; et de loin en loin ils rencontraient encore quelques chênes ou quelques bouleaux qui ornaient les vallons étroits ou qui formaient des groupes rares et chétifs dans les marais ; mais bientôt ces arbres disparurent. Alors ils virent devant eux une vaste contrée aride, qui s’élevait en collines recouvertes d’une sombre bruyère, entrecoupée par de profonds ravins qui servaient de lit aux torrents en hiver, tandis qu’en été ils servaient à l’écoulement de maigres ruisseaux qui serpentaient tristement au milieu de monceaux de pierres et de graviers accumulés pendant les mauvais temps : semblables à ces prodigues ruinés par leurs anciennes extravagances.

Cette région déserte semblait s’étendre plus loin que l’œil ne pouvait atteindre ; elle n’avait aucun trait de grandeur, pas même la majesté sauvage des montagnes. Néanmoins, elle présentait une grande différence avec les parties du pays plus propres à la culture et aux besoins de l’homme. Aussi, elle imprimait irrésistiblement à l’esprit du spectateur le sentiment de la toute-puissance de la nature et de l’inefficacité comparative des moyens d’amélioration si vantés que l’homme est susceptible d’opposer aux désavantages des terrains et des climats.

Un effet remarquable de ces vastes déserts est qu’ils suggèrent l’idée de l’isolement, même à ceux qui les traversent en grand nombre : tant l’imagination est affectée par la disproportion entre la troupe qui voyage et la solitude qui l’entoure ? Ainsi, une caravane de mille individus peut éprouver, dans les déserts de l’Afrique et de l’Arabie, un sentiment d’abandon inconnu au voya-