bariolées, était suspendu à une perche et servait de but aux compétiteurs qui, placés à une distance de soixante ou soixante-dix pas, déchargeaient en le visant leurs fusils et leurs carabines. Celui dont la balle abattait l’oiseau portait, pendant le reste du jour, le titre pompeux de Capitaine du Perroquet. On le conduisait ordinairement en triomphe à l’auberge la plus renommée du voisinage, où la soirée se terminait par un festin dirigé sous ses auspices, et commandé à ses dépens lorsque ses moyens pécuniaires le lui permettaient.
On pense bien que les dames du pays se rendaient avec empressement aux lieux où se donnait ce noble divertissement, excepté toutefois celles qui, observant dans toute leur rigueur les dogmes sévères du puritanisme, se seraient fait un crime d’encourager par leur présence les jeux profanes de ces pervers. Dans ces jours d’ignorance et de simplicité on ne connaissait ni landaus, ni barouches, ni tilburys. Le lord-lieutenant du comté, duc par son rang, osait seul prétendre à la magnificence d’une voiture à quatre
merville, a donné l’idée de la scène qu’on lit dans le texte. L’auteur de ce curieux
manuscrit célèbre ainsi la conduite de son père au milieu de l’assemblée qui assistait
à cette fête.
« Ayant passé les années de l’enfance (il en avait dix alors), son grand-père le mit
à l’école pour étudier la grammaire. Il y avait dans le village de Delserf un maître
fort habile qui l’enseignait, et qui préparait les jeunes garçons se destinant à entrer
au collège. Pendant le temps que dura son éducation dans cet endroit, on avait l’habitude
de célébrer, chaque année, le premier lundi de mai, par des danses autour d’un
mai, par le tir de boîtes d’artifices, et divers autres amusements alors en usage. Comme
à cette époque il n’y avait pas dans ce lieu de marchands qui pussent fournir aux
élèves ce dont ils avaient besoin pour leurs jeux, notre jeune homme résolut de s’en
procurer lui-même autre part, afin de pouvoir figurer au milieu des plus braves de
ses condisciples. En conséquence, il se lève à la pointe du jour, et se rend à Hamilton ; là, avec l’argent qu’il avait emprunté à ses amis ou qu’il s’était procuré d’une autre
manière, il fait emplette de rubans de diverses couleurs, d’un chapeau neuf et de gants.
Mais ce fut surtout pour la poudre à canon qu’il dépensa le plus d’argent ; il en acheta
une grande quantité, tant pour son propre usage que pour suppléer aux besoins de
ses camarades. Ainsi chargé de provisions, mais la bourse vide, il revint à Delserf
vers sept heures, ayant marché ce dimanche matin-là l’espace de huit milles ; il met
ses habits et son chapeau neuf, qu’il garnit de rubans de toutes couleurs, et dans cet
équipage, son petit fusil sur l’épaule, il marche vers le cimetière, où le mai avait été
planté, et où la solennité du jour devait être célébrée. Dans le premier jeu, celui du
ballon, il égala tous ses rivaux ; et lorsqu’il s’agit de tirer au blanc, il montra tant
d’adresse en maniant son fusil, eu le chargeant, en le déchargeant, et il frappa tellement
près du but, qu’il surpassa de beaucoup tous ses condisciples. Aussi, avant
d’avoir atteint sa treizième année, le chargea-t-on de leur enseigner l’art dans lequel
il s’était montré si expert. Et, en effet, j’ai souvent admiré sa dextérité, tant au
milieu des récréations que lorsqu’il exerçait ses soldats. Je l’ai moi-même accompagné
au tir lorsque j’étais encore jeune homme ; et quoique ce passe-temps fût mon
exercice favori, cependant il m’était toujours impossible d’arriver à sa perfection. Le
jour de la fête terminé, il recueillait les applaudissements de tous les spectateurs, la
bienveillance de ses condisciples et l’amitié de tous les habitants de ce petit village. » a. m.