Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/97

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-être en obtiendrai-je un peu d’eau-de-vie : pour du vin, je n’en puis rien dire ; c’est une femme qui vit seule, et qui n’en achète qu’un petit baril à la fois ; je tâcherai pourtant, de manière ou d’autre, d’en avoir un peu. Pour des pigeons, le pigeonnier est là ; je trouverai de la volaille chez les tenanciers, bien que Luckie Chiraside dise qu’elle a payé deux fois sa redevance[1]. Nous réussirons, n’en déplaise à Votre Honneur ; ayez bon courage ; l’honneur de la maison sera maintenu aussi long-temps que le vieux Caleb sera en vie. »

Les repas que Caleb, au moyen de ses divers expédients, fut en état de servir aux deux jeunes gens pendant trois ou quatre jours, n’étaient certainement pas splendides ; mais on croira facilement que les convives ne se montraient pas très difficiles ; et, même, les inquiétudes, les excuses, les évasions et les expédients de Caleb amusaient les deux jeunes gens et ajoutaient une sorte d’intérêt à l’irrégularité du service, et à la trop petite quantité des mets. Au reste, ils avaient raison de profiter de toutes les circonstances qui pouvaient égayer des moments qui, sans cela, se seraient succédé d’une manière fort peu agréable.

Bucklaw, privé de ses amusements ordinaires, de la chasse et de la pêche, ainsi que de ses joyeux banquets, par la nécessité de se tenir caché dans les murs du château, devint un compagnon triste et insipide. Lorsque le maître de Ravenswood ne voulait plus faire des armes, ou jouer au galet ; lorsque lui-même s’était fatigué à frotter, étriller, peigner et polir son cheval ; lorsqu’il l’avait vu manger son fourrage, et se coucher doucement sur sa litière, il pouvait à peine s’empêcher d’envier la résignation apparente de cet animal à une vie aussi monotone. « Cette brute stupide, disait-il, ne pense ni à la course, ni à la chasse, ni à son enclos bien fourni de Bucklaw ; il est tout aussi heureux, attaché à son râtelier, dans cette masure, que s’il y était né ; et moi, qui, comme un prisonnier qui n’est pas au secret, ai la liberté de parcourir les donjons de cette misérable vieille tour, je puis à peine venir à bout, tantôt sifflant, tantôt dormant, de passer le temps jusqu’au dîner. »

Et en faisant cette triste réflexion, il se dirigeait vers les meurtrières ou les créneaux de la tour, pour observer les objets qui pourraient s’apercevoir sur le marécage éloigné, ou pour jeter

  1. Krain, dit le texte, pour désigner certaine quantité de poulets que les fermiers doivent donner à leurs maîtres. a. m.