Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/121

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bonne heure pour être plus tôt déçues ; agréables au printemps pour devenir méprisables dans l’hiver. Mais vous, qui n’avancez que lentement dans la marche générale, » ajouta-t-il en jetant ses regards sur un bouquet de hêtres couverts encore de leurs feuilles flétries, « vous ressemblez aux plans de l’homme parvenu à la maturité de l’âge, et auquel le vieillard reste fortement attaché, après en avoir reconnu la futilité. Rien ne dure, rien n’échappe à la destruction, si ce n’est le feuillage du chêne robuste, qui commence à se montrer lorsque celui du reste de la forêt a déjà vu la moitié de son existence. Sa teinte pâle indique la décadence ; mais il conserve ce symptôme de vitalité jusqu’à la fin. Puisse-t-il en être ainsi de moi ! Les brillantes espérances de ma jeunesse, je les ai foulées aux pieds, comme ces feuilles desséchées qui sont sur ma route ; les rêves plus ambitieux de l’âge mûr, je ne les regarde plus que comme de pompeuses chimères, dont le clinquant est depuis long-temps obscurci ; mais mes vœux de religion, la profession de foi que j’ai faite dans un âge plus avancé, je les maintiendrai dans toute leur force tant que je conserverai un principe de vie. Quels que soient les dangers auxquels elle peut m’exposer, quelque faibles qu’en puissent être les résultats, je la maintiendrai néanmoins, cette ferme détermination de servir l’Église dont je suis membre, et de combattre les hérésies dont elle est de tous côtés assaillie. » Ainsi parlait, ou du moins, ainsi pensait, d’après ses connaissances imparfaites, un homme plein de zèle, confondant les intérêts essentiels de la chrétienté avec les prétentions extravagantes et mal fondées de l’Église de Rome, qu’il défendait avec une chaleur digne d’une meilleure cause.

Pendant qu’il continuait sa route, l’esprit occupé de ces méditations, il ne put s’empêcher de penser plus d’une fois qu’il voyait devant lui la forme d’une femme vêtue de blanc, dans l’attitude d’une personne livrée à l’affliction. Mais cette impression n’était que momentanée, et toutes les fois qu’il regardait fixement l’endroit où il avait cru apercevoir cette figure, il trouvait qu’il avait pris pour une apparition un rocher blanchi par le temps, ou le tronc d’un vieux bouleau couvert de son écorce argentée.

Le père Eustache avait vécu trop long-temps à Rome pour partager les idées superstitieuses du clergé ignorant de l’Écosse ; néanmoins il trouvait extraordinaire que le récit du sacristain eût fait sur son esprit une impression aussi forte. « Il est bien étrange, se disait-il, que cette histoire, qui n’était sans doute qu’une in-