Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/15

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constituer un être de classe mitoyenne, entre l’esprit follet qui met sa joie à mal guider et à tourmenter les mortels, et la fée bienveillante de l’Orient qui partout les conduit, les aide et les soulage.

Quoi qu’il en soit, l’auteur n’a pas su mettre de l’intérêt dans son plan, et le public ne l’approuva point, car la Dame Blanche d’Avenel fut loin de devenir un être populaire. L’auteur ne cherche pas maintenant à faire revenir le lecteur à une opinion plus favorable ; il veut seulement s’excuser de la faute qu’on lui reproche, d’avoir introduit dans son récit un être aussi peu important.

Dans la peinture d’un autre caractère, l’auteur du Monastère a échoué lorsqu’il espérait quelque succès. Comme rien n’est si propre à exciter le ridicule que les folies à la mode, il pensa que des scènes plus sérieuses de son récit pourraient être soutenues par la gaieté d’un chevalier du temps de la reine Élisabeth. Dans chaque période, la tentation d’obtenir et de soutenir le plus haut rang de la société a dépendu du pouvoir d’adopter et de soutenir une certaine affectation à la mode, ordinairement unie à quelque vivacité et à quelque énergie de cavaliero, mais distinguée en même temps par un essor transcendant au-delà de la raison et du sens commun, deux facultés trop vulgaires pour être admises dans le calcul de quiconque prétend passer pour un esprit d’élite de son siècle. Ces facultés, dans leurs différentes phases, constituent les talents du jour qui poussent les caprices de la mode à la dernière extrémité.

Dans toutes les occasions, les mœurs du souverain, de la cour et du temps doivent donner le ton à la peinture particulière des qualités par lesquelles ceux qui voudraient atteindre au pinacle de la mode doivent chercher à se distinguer. Le règne d’Élisabeth, étant celui d’une reine vierge, se distinguait par le décorum des courtisans, et surtout par l’affectation de la plus profonde déférence envers la souveraine ; après l’aveu des perfections sans taches de la reine, la même dévotion s’étendait à la beauté, telle qu’elle existait parmi les astres moins brillants de sa cour, qui étincelaient, comme on avait coutume de le dire, par l’éclat réfléchi de leur reine. Il est vrai que de galants chevaliers ne se dévouaient plus pour accomplir quelques faits de chevalerie extravagante, dans lesquels ils exposaient la vie des autres aussi bien que la leur propre ; mais, quoique l’ardeur chevaleresque allât rarement plus loin durant les jours d’Élisabeth sous le règne de laquelle la barrière ou des obstacles prévenaient le choc des