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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/200

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homme, que le seigneur abbé t’ordonne de me traiter le mieux que tu pourras, ce qui vraiment ne sera jamais aussi bien que lui et moi le désirons.

— Il me faut une réponse plus positive que celle-ci, sir chevalier, dit le jeune Glendinning.

— Mon ami, répliqua le chevalier, ne nous fâchons pas. Il peut être dans vos mœurs du Nord de chercher aussi rudement à savoir les secrets de ses supérieurs ; mais crois-moi, tel que le luth joué par une main inhabile produit des sons discordants, tel… » À ce moment la porte de l’appartement s’ouvrit, et Marie Avenel parut. « Mais qui peut parler de sons discordants, » dit le chevalier, reprenant sa veine et son humeur de compliment, « quand l’âme de l’harmonie descend parmi nous sous la forme de la divine beauté ? car de même que les renards et les loups, et tous les animaux dépourvus de bon sens et de raison, fuient la présence du magnifique astre du jour lorsqu’il s’élève dans les cieux tout brillant de sa gloire ; de même la dispute, la colère et toutes les odieuses passions doivent se dissiper telle qu’une pluie légère à l’aspect de la beauté qui maintenant darde sur nous des rayons de feu qui ont le pouvoir d’apaiser notre fureur, d’illuminer nos querelles et nos erreurs, d’adoucir nos esprits offensés, et d’endormir nos craintes confuses : car l’œil ardent et enflammé du jour est au monde matériel et physique ce que l’œil devant lequel je me prosterne est au microscope intellectuel. »

En achevant ces mots il fit un profond salut ; et Marie Avenel les regarda l’un et l’autre avec étonnement, et devinant bien qu’il s’était passé entre eux quelque chose, ne put que s’écrier : « Au nom du ciel, que veut dire tout ceci ? »

Le tact et l’intelligence dont son frère de lait était nouvellement doué n’étaient pas encore assez affermis pour qu’il fût capable de répondre. Il était tout à fait incertain de ce qu’il devait faire envers son hôte, qui, gardant un singulier ton d’importance et de supériorité, semblait néanmoins parler si peu sérieusement qu’il était presque impossible de démêler exactement si ce n’était point une plaisanterie ou quelque chose de sérieux.

Après une courte réflexion, il résolut de forcer sir Pierre Shafton à s’expliquer dans une occasion et à un endroit plus convenables ; il pensa que pour le moment il ne devait point le presser davantage ; l’arrivée de sa mère suivie de Mysie et le retour de l’honnête meunier qui venait de jeter un coup d’œil sur les meules