Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/274

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le noble faucon. Fuis et sauve-toi ! Prends ma bourse, elle est dans la poche de mon haut-de-chausses de soie de couleur incarnat, et elle mérite d’être acceptée par un paysan. Aie soin que mes malles et mes habits soient envoyés au monastère de Sainte-Marie. » En cet instant sa voix s’affaiblit, et son esprit et sa mémoire semblèrent sur le point de l’abandonner. « Je donne, continua-t-il, mon justaucorps de velours, avec les culottes pareilles… pour… oh !… le bien de mon âme.

— Reprenez courage, sir chevalier, » dit Halbert, que la pitié et le remords avaient presque mis hors de lui ; « j’espère qu’avant peu vous serez bien portant. Oh ! que n’avons-nous un chirurgien !

— Y en eût-il vingt, ô très-généreuse Audace, ce qui serait un très-beau spectacle, je ne pourrais survivre ; ma vie est à son dernier période. Salue de ma part la rustique nymphe que j’appelais ma Discrétion. Ô Claridiania ! véritable impératrice de ce cœur saignant, qui maintenant éprouve la plus grande tristesse ! Place-moi tout de mon long sur la terre, très-rustique vainqueur, né pour éteindre la lumière brûlante de la très-heureuse cour de Féliciana. Ô saints et anges ! dames et chevaliers ! masques et théâtres ! gentilles devises ! joyaux et broderies ! amour, honneur et beauté !… » Tandis que, murmurant ces derniers mots, qui lui échappaient comme par mégarde, il se rappelait sans doute la gloire de la cour d’Angleterre, le galant sir Piercy Shafton raidit ses membres, poussa un profond soupir, ferma les yeux, et demeura sans mouvement.

Le vainqueur, dans son désespoir, s’arracha les cheveux en regardant la pâle figure de sa victime ; la vie, pensait-il, ne l’a pas entièrement abandonné : mais sans d’autre secours que le sien, il ne voyait pas comment il pourrait la lui conserver.

« Pourquoi, » s’écria-t-il dans son vain repentir, « pourquoi l’ai-je forcé à ce funeste combat ? Que Dieu n’a-t-il permis que j’endurasse les injures les plus offensantes, plutôt que d’être le sanglant instrument de cette action épouvantable ! Deux fois maudit cet endroit de fâcheux augure, que j’ai choisi pour le lieu du combat, quoique je susse qu’il est hanté par une sorcière ou par un démon ! Dans tout autre lieu que celui-ci, j’aurais pu avoir du secours, ou en élevant la voix pour en appeler, ou en courant pour en aller chercher. Mais ici, on ne peut guérir personne, et personne ne peut entendre mes cris, excepté le méchant esprit qui m’a conseillé cette horrible conduite. Ce n’est point son