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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/303

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silence d’un moment, pendant lequel il semblait chercher l’expression propre. « En un mot, est-ce ta femme ? »

L’infortunée jeune dame porta ses deux mains à son visage, comme pour se cacher ; mais la rougeur subite qui couvrit son front et son cou, indiqua suffisamment que ses joues étaient rouges comme du feu, et les larmes qui ruisselaient à travers ses doigts effilés témoignaient sa douleur en même temps que son embarras.

« Maintenant, par les cendres de mon père, » dit le baron en se levant, et d’un coup de pied poussant loin de lui son escabelle avec une telle violence, qu’elle alla frapper la muraille opposée de l’appartement… puis, s’arrêtant tout à coup et se contraignant, il murmura entre les dents : « Qu’ai-je besoin de me troubler ainsi pour la demande d’un fou ! » Alors, reprenant son siège, il répondit froidement et avec un ton de mépris : « Non, sir prêtre ou sir prédicateur, comme vous voudrez, Catherine n’est point ma femme. Cesse tes grimaces, folle que tu es. Elle n’est pas mon épouse, mais nos deux mains sont unies, et c’est assez pour en faire une femme digne de respect.

— Vos mains sont unies ? répéta Warden.

— Il paraît que tu ne connais pas cette coutume, saint homme, » dit Avenel sur le même ton d’ironie ; « eh bien ! je vais te l’apprendre. Nous autres hommes des frontières, nous sommes plus sages que vous autres qui vivez dans l’intérieur des comtés de Fife et de Lothian. Nous ne nous jetons pas en aveugles dans le précipice ; nous ne nous mettons pas les fers aux mains avant de savoir si nous pourrons les porter ; nous prenons nos femmes comme nos chevaux, à l’essai. Lorsque nos mains sont unies (c’est l’expression dont nous nous servons), nous sommes mari et femme pour un an et un jour. Ce temps expiré, chacun des deux peut contracter un autre lien, ou, s’il le veut, peut appeler un prêtre qui les unisse pour la vie : voilà ce que nous appelons l’union des mains.

— Alors donc, dit le prédicateur, je vous dirai, noble baron, par intérêt pour le salut de votre âme, que c’est une coutume licencieuse, fille de la corruption et de l’ignorance, et qui peut devenir, si vous y persistez, dangereuse et même damnable. Elle vous unit à un être fragile et faible tant qu’il est l’objet de votre passion, et vous dégage de vos liens quand cet être a le plus besoin de protection et de pitié ; elle donne tout à la brutalité des sens et rien aux sentiments généreux. Oui, je vous le dirai,