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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/349

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Shafton. Elle fut trahie par son œil brillant et les caresses qu’elle fit timidement au cheval qui ramenait le cavalier bien-aimé. « Que puis-je faire de plus pour vous, aimable Molinara, » dit sir Piercy Shafton, hésitant lui-même et rougissant ; car il faut le dire à l’honneur du siècle de la reine Élisabeth, ses courtisans portaient plus de fer sur leur poitrine que d’airain sur leur front, et même au milieu de leur vanité, ils conservaient toujours l’esprit de chevalerie par lequel se distinguait l’aimable chevalier de Chaucher,

« Qui, dans sa démarche modeste,

Affectait d’une vierge et le port et le geste. »

Mysie rougit et tint ses yeux fixés vers la terre, et sir Piercy continua avec le même embarras : « Craignez-vous de retourner chez vous, belle Molinara ? voulez-vous que je vous accompagne ?

— Hélas ! » dit Mysie en levant les yeux tandis que ses joues, de rouges qu’elles étaient, devinrent pâles comme la mort, « je n’ai plus d’asile.

— Comment, plus d’asile ! s’écria Shafton ; ma généreuse Molinara dit-elle qu’elle n’a plus d’asile, quand voilà la maison de son père, et qu’elle n’en est séparée que par un ruisseau argenté ?

— Hélas ! reprit la jeune meunière, je n’ai plus de père ni d’asile. Mon père est un serviteur dévoué de l’abbaye ; j’ai offensé l’abbé ; et si je retourne chez mon père, il me tuera.

— Qu’il se garde bien de porter la main sur vous, de par le ciel ! dit sir Piercy ; je vous jure sur mon honneur et ma chevalerie que les troupes de mon cousin de Northumberland raseraient le monastère si bien qu’un cheval ne trébucherait pas sur les ruines, s’il osait toucher un seul cheveu de votre tête. Calmez-vous donc, chère Mysinda, et sachez que vous avez obligé celui qui veut et qui peut venger la moindre injure qu’on voudrait vous faire. »

À ces mots il descendit de cheval, et, dans la vivacité de sa harangue, il saisit la main que lui abandonna volontiers Mysie ou Mysinda, ainsi qu’il venait de la nommer. Il attacha ses regards d’abord sur deux grands yeux noirs qui le contemplaient, et dont on ne pouvait méconnaître l’expression, quoiqu’elle fût adoucie par une modestie virginale ; puis sur des joues auxquelles un sentiment d’espérance avait rendu leur couleur naturelle ;