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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/362

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laissée libre de se livrer à son désespoir. Elle ressentait l’affreux chagrin de ceux qui ont perdu l’objet de leur premier amour avant que le temps et des malheurs répétés leur aient appris que toute perte est à un certain point réparable ou supportable.

Ceux qui ont éprouvé un tel malheur savent bien qu’il est plus facile de le concevoir que de le décrire. Marie Avenel d’ailleurs avait été conduite par la bizarrerie de sa position à se regarder comme l’enfant de la destinée : et la tournure mélancolique et réfléchie de son esprit augmentait le poids de ses chagrins. La tombe, et c’était une tombe sanglante, s’était fermée sur celui auquel elle était en secret, mais pour cela même plus tendrement attachée. La fermeté et la fougue du caractère d’Halbert avaient un rapport singulier avec l’énergie qu’elle possédait elle-même. Son chagrin ne s’épuisa pas en soupirs et en larmes ; mais lorsque le premier choc fut essuyé, il se changea en amères méditations sur la profondeur de l’abîme ouvert devant elle. Il lui semblait que ce qui l’attachait à la terre se rompait avec ce nœud. Jamais elle n’avait osé regarder comme possible dans l’avenir une union avec Halbert, et maintenant cette mort lui semblait la chute du seul arbre qui put la protéger contre l’orage. En effet, elle respectait le caractère plus doux et les goûts plus pacifiques d’Édouard Glendinning ; mais il ne lui était pas échappé, ce qui n’échappe point à une femme, qu’il était en opposition avec les mâles qualités de son frère aîné ; qualités que, en descendante d’une race guerrière et pleine de fierté, elle évaluait plus haut que toutes les autres. Il n’y a pas de moment où une femme rende moins de justice au caractère d’un amant vivant, que lorsqu’elle le compare au rival préféré qu’elle vient de perdre.

La bonté maternelle, mais un peu rude de dame Glendinning, et l’amour presque idolâtre de sa vieille femme de chambre, lui semblaient maintenant les seuls sentiments d’amitié qu’elle pouvait exciter ; et elle ne pouvait s’empêcher de réfléchir combien ils étaient peu de chose auprès de l’attachement sans bornes d’un jeune homme doué d’une âme passionnée, que le moindre regard de ses yeux pouvait maîtriser comme un coursier fougueux se laisse gouverner par la bride de son cavalier. Ce fut au milieu de ces réflexions désolantes que Marie Avenel sentit dans son esprit le vide produit par l’étroite et bigote ignorance dans laquelle Rome élevait les enfants de son Église. Toute leur religion consistait dans un rituel ; leurs prières dans la répétition textuelle de