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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/54

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Ben Sillon, et plusieurs autres aimables introducteurs d’ouvrages qui ont égayé nos moments les plus tristes et ajouté des ailes à nos heures même les plus légères ?

Ce que j’ai remarqué comme étant particulier aux éditeurs de la classe dans laquelle je prends sur moi de vous enrôler, c’est cette heureuse combinaison de circonstances fortuites qui vous mettent ordinairement en possession des ouvrages que vous avez la bonté de communiquer ensuite au public. L’un se promène sur le bord de la mer, et une vague amène une petite valise ou cassette cylindrique contenant un manuscrit, extrêmement endommagé par l’eau de la mer, que l’on ne parvient que fort difficilement à déchiffrer, et ainsi de suite[1]. Un autre entre dans une petite boutique de détaillant, pour acheter une livre de beurre, et voilà que le mauvais papier dans lequel on l’enveloppe est le manuscrit d’un cabaliste[2]. Un troisième est assez heureux pour obtenir d’une femme qui loue des appartements le précieux contenu d’un antique secrétaire appartenant à un de ses locataires maintenant décédé[3]. Toutes ces occurrences sont assurément très-possibles ; mais je ne sais comment il se fait qu’elles se présentent rarement à d’autres éditeurs que ceux de votre pays. Au moins, quant à moi, je puis assurer que, dans mes promenades solitaires sur les bords de la mer, je n’ai jamais vu ses flots amener sur le sable autre chose que des algues, ou des touffes de varech, et de temps à autre la carcasse d’un scolopendroïde[4] ; mon hôtesse ne m’a jamais présenté d’autres manuscrits que de maudits mémoires, et la plus intéressante de mes découvertes, en fait de paperasses, a été celle d’un passage favori d’un de mes propices romans, contourné en forme de cornet pour envelopper une once de tabac. Non, mon capitaine, le fonds dans lequel j’ai puisé les moyens d’amuser le public, je l’ai acquis tout autrement que par des accidents fortuits. Je me suis enterré dans des bibliothèques pour extraire des sottises des anciens temps de nouvelles sottises de ma façon. J’ai parcouru des volumes, qui, d’après les passages obscurs à déchiffrer, auraient pu passer pour les manuscrits cabalistiques de Cornélius Agrippa, quoique je n’aie jamais vu la porte s’ouvrir et le

  1. Voyez, dit Walter Scott, l’Histoire d’Autemathès. a. m.
  2. Aventures d’une guinée. a. m.
  3. Aventure d’un atome. a. m.
  4. Sorte de coquillage de la famille des scolopendres de mer, autrement dites néréïdes. a. m.