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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/68

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Une terreur mystérieuse était ainsi attachée à ce lieu, par lequel on passait en quittant la grande vallée arrosée par la Tweed, pour remonter le glen et arriver à la petite forteresse appelée la tour de Glendearg. Au-delà de la colline sur laquelle la petite tour était située, les montagnes devenaient plus escarpées et resserraient le ruisseau de manière à laisser à peine sur la rive un sentier pour les piétons ; là le vallon se terminait par une cataracte singulière. C’était un simple filet d’eau qui retombait, comme une ligne de vapeur, par-dessus deux ou trois précipices. Plus loin encore, dans la même direction, se trouvait un grand espace de terrain marécageux et d’un aspect sauvage, vaste, inculte, et qui n’était fréquenté que des oiseaux aquatiques. Il s’étendait dans un lointain qui paraissait interminable, et séparait naturellement les habitants du glen de ceux qui vivaient dans les contrées vers le nord.

Les maraudeurs, toujours actifs et infatigables, connaissaient parfaitement ces lieux marécageux, qui leur fournissaient quelquefois une retraite. Montés sur leurs chevaux, ils entraient souvent dans le vallon, poussaient jusqu’à la tour, et y recevaient l’hospitalité ; mais il y avait constamment une sorte de réserve de la part de ses paisibles habitants, qui accueillaient de pareils hôtes comme un colon européen nouvellement établi recevrait un parti d’Indiens de l’Amérique du nord, autant par crainte que par esprit d’hospitalité, avec le plus ardent désir de se voir promptement débarrassé de ces sauvages visiteurs.

Tels n’avaient pas toujours été les sentiments des habitants de la tour de Glendearg. Simon Glendinning[1], qui l’avait habitée il y a peu d’années, se faisait gloire de descendre de l’ancienne famille de Glendonwyne, établie sur la frontière occidentale. Il avait coutume de raconter, assis au coin de son feu, dans les soirées d’automne, les exploits des membres de sa famille : l’un d’entre eux était tombé à côté du brave comte de Douglas, à Otterbourne[2]. Dans ces occasions, Simon avait ordinairement sur ses genoux un sabre qui avait appartenu à ses ancêtres avant qu’aucun d’eux eût consenti à recevoir un fief sous la paisible suzeraineté des moines de Sainte-Marie. Dans les temps modernes, Simon aurait pu vivre content sur son propre domaine, et

  1. Glen, vallon, din, brun ou sombre. Comme qui dirait : L’homme du sombre vallon. a. m.
  2. Bataille livrée en 1388, et où périt Douglas. a. m.