Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/75

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gué parmi la noblesse de cette province, bien qu’ils ne fussent ni fort opulents ni très-influents. La considération générale qu’on leur témoignait avait été encore accrue par l’habileté, le courage et l’esprit entreprenant qu’avait déployé Walter Avenel, le dernier baron.

Lorsque l’Écosse commença à se remettre du terrible échec qu’elle avait essuyé à la bataille de Pinkie-Cleuch, Avenel fut un des premiers qui, rassemblant quelques soldats, fit connaître, par une suite d’escarmouches sanglantes, qu’une nation conquise et en proie aux fureurs de l’invasion peut encore faire une guerre de détail funeste aux étrangers. Cependant Walter Avenel succomba dans une de ces mêlées, et la nouvelle de sa mort parvint au château de ses pères peu d’heures avant l’annonce plus désastreuse encore qu’un détachement anglais venait piller et saccager les domaines d’Avenel, afin d’effrayer ceux qui seraient tentés d’imiter le vaillant baron.

La malheureuse veuve eut pour refuge la misérable cabane d’un berger, au milieu des montagnes. Elle y fut transportée à la hâte, ne pouvant comprendre où et pourquoi ses serviteurs effrayés l’emportaient avec sa fille. Là, elle reçut les soins les plus respectueux de la femme du berger, nommée Tiabb-Tacket[1], qui, dans des temps plus prospères, avait été sa femme de chambre. Pendant quelque temps lady Avenel ne connut point toute l’étendue de son malheur ; mais lorsque sa douleur se fut assez calmée pour lui laisser la faculté d’envisager sa situation, elle eut tout lieu d’envier le sort de son mari dans l’asile froid et silencieux du tombeau. Les domestiques qui l’avaient conduite dans ce lieu furent bientôt obligés de se disperser, afin de pourvoir à leur propre sûreté aussi bien qu’à leur subsistance ; le berger et sa femme, dont elle partageait la chaumière, se trouvèrent peu de temps après hors d’état de fournir à leur ancienne maîtresse, même la nourriture grossière qu’ils avaient d’abord été charmés de partager avec elle. Quelques fourrageurs anglais avaient découvert et enlevé le peu de moutons qui avaient échappé aux premières recherches de leur avarice. Les deux dernières vaches eurent le même sort ; jusque là, elles avaient procuré à la famille presque son unique soutien, et maintenant on n’eut plus devant soi que la perspective de la famine.

  1. Tacket, écossisme pour mail, toute espèce de petits clous. a. m.