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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/99

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de posséder les véritables ministres de Sainte-Marie, dont le couvent, je puis le dire, tout frère indigne que je suis, a fourni plus de saints, plus d’évêques, plus de papes (grâces en soient rendues à nos bons patrons !) qu’aucun autre établissement religieux dans toute l’Écosse. C’est pourquoi… mais je vois que Martin tient ma mule toute prête ; ainsi je vais vous donner le baiser de paix qui ne fait pas rougir, et recommencer mon pénible voyage. Je dis pénible, car le vallon n’est pas en bonne réputation à cause des mauvais esprits qui l’habitent. D’ailleurs je pourrais arriver trop tard au pont et me voir forcé de traverser à gué la rivière dont les eaux sont un peu grossies. »

En conséquence, il prit congé de la dame Elspeth, tout étourdie de la rapidité de ses discours et de la doctrine qu’il avait énoncée ; d’ailleurs elle n’était nullement tranquille au sujet du livre : sa conscience lui disait qu’elle ne l’aurait dû communiquer à personne à l’insu de celle à qui il appartenait.

Malgré l’empressement que mit le sacristain aussi bien que sa mule à regagner un gîte meilleur que la lourde Glendearg, malgré le vif désir qu’avait le moine d’apprendre le premier à l’abbé que le livre tant redouté par les catholiques s’était rencontré dans les possessions même de l’Église ; enfin, malgré l’instinct qui le poussait à traverser rapidement un glen si sombre et si mal famé, le mauvais état de la route, et le peu d’habitude que le voyageur avait de ses courses forcées, le retardèrent si bien, qu’il fut surpris par le crépuscule avant d’avoir atteint l’extrémité de l’étroite vallée.

La route était fort triste. Les deux côtés du vallon était tellement rapprochés qu’à chaque détour de la rivière l’ombre des rochers de la rive occidentale tombait sur la rive opposée en produisant une obscurité complète. Les branches et les feuilles des arbres semblaient agitées d’un mouvement sinistre, et les montagnes elles-mêmes paraissaient au moine effrayé plus élevées et plus menaçantes qu’elles n’étaient dans la matinée, lorsque le père Philippe les avait vues en compagnie de Martin. Aussi le père Philippe éprouva-t-il une grande joie, lorsque en sortant du redoutable glen, il entra dans la vallée ouverte et spacieuse de la Tweed. Celle-ci roulait majestueusement ses eaux d’un courant à un lac ; puis près du lac, elle s’allongeait de nouveau en un courant rapide. Pendant les plus grandes sécheresses, la Tweed remplit encore son lit, et elle ne laisse voir que rarement ces