Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/357

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— C’est vrai, ma Fleming, dit la reine ; mais est-il humain de votre part de faire cesser de si charmantes illusions ! Dieu sait quelles sombres idées m’ont accablée la nuit dernière. Allons, ne serait-ce que pour vous punir, Fleming, je veux revenir sur les douces illusions qui me charmaient tout à l’heure. Oui, à ce joyeux mariage Marie elle-même oubliera le poids de ses chagrins et les travaux de l’État ; elle-même dirigera le bal encore une fois. Quelle est la dernière noce à laquelle nous avons dansé, ma Fleming ? Je crois que le chagrin a troublé ma mémoire. Cependant je devrais me rappeler quelque circonstance… ne peux-tu m’aider ? je sais que tu le peux.

— Hélas ! madame, répondit la dame.

— Quoi ! dit Marie, ne veux-tu pas nous aider ? Voilà une opiniâtreté bien mal placée ; quoi ! considérer notre conversation comme une folie ! Mais tu as été élevée à la cour, et tu me comprendras si je te dis que la reine ordonne à lady Fleming de lui dire où elle a dansé pour la dernière fois. »

Le visage pâle comme la mort, et prête à tomber sur le carreau, la parfaite dame de la cour, n’osant plus refuser d’obéir, dit en tremblant : « Gracieuse dame, si ma mémoire est fidèle, c’était à une mascarade… dans Holy-Rood… au mariage de Sébastien… »

L’infortunée reine, qui avait écouté jusqu’alors avec un sourire mélancolique, excité par la répugnance qu’avait lady Fleming à lui répondre, l’interrompit à ce dernier mot par un cri si violent, si sauvage, que l’appartement voûté en retentit, et que Catherine et Roland se relevèrent saisis de terreur et d’effroi. Cependant, Marie semblait non seulement perdre la faculté de se contenir, mais même l’entier usage de la raison : tant étaient horribles les souvenirs que la réponse de lady Fleming avait rappelés dans son esprit !

« Traîtresse ! lui dit-elle, tu voudrais assassiner ta souveraine. Appelez ma garde française ; à moi ! à moi ! mes Français : je suis assiégée par des traîtres dans mon propre palais. Ils ont assassiné mon mari ! au secours ! au secours de la reine d’Écosse ! » Elle s’élança de son siège, ses traits naguère si charmants dans leur pâleur, maintenant enflammés par la frénésie, ressemblaient à ceux d’une Bellone. « Nous entrerons en campagne nous-même, dit-elle ; qu’on s’arme dans Édimbourg ; qu’on s’arme dans le comté de Lothian et dans celui de Fife ! Sellez notre cheval de Barbarie, et dites au Français Paris de faire charger notre