Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/140

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changement du fond du cœur. — Vous ne vous êtes jamais trompé davantage de votre vie, père Halcro, » répondit Brenda, tandis que ses joues rougissaient de nouveau, plutôt de dépit, à ce qu’il semblait, que de honte.

« Ah ! ah ! qu’est-ce à dire, » répliqua le vieillard en les regardant tour à tour, « qu’avons-nous donc ici ? une nuit nuageuse et une aurore rougeâtre ?… voilà qui présage du mauvais temps… Que signifie ceci, jeunes filles ? qui vous a offensées ? J’ai bien peur que ce ne soit moi ; car lorsque des jeunes gens comme vous se querellent, on rejette toujours le blâme sur quelque vieillard. — Le blâme n’en est pas à vous, père Halcro, » dit Minna en se levant et prenant le bras de sa sœur, « s’il est vrai que quelqu’un ici soit à blâmer. — Puisqu’il en est ainsi, je dois craindre, Minna, » dit Mordaunt, cherchant à adoucir son ton et à prendre celui d’une plaisanterie indifférente, « que le nouvel arrivant n’ait commis une offense par sa seule venue. — Quand l’offense ne va pas au but, » répondit Minna, avec sa gravité ordinaire, « il importe peu que tel ou tel en soit l’auteur. — Est-il possible, Minna ! s’écria Mordaunt, et est-ce vous qui me parlez ainsi ?… Et vous aussi, Brenda, pouvez-vous porter contre moi un jugement si sévère, sans m’accorder un moment d’honnête et franche explication ? — Des personnes qui savent comme il faut agir, » répondit Brenda d’un ton de voix bas, mais décidé, « nous ont déclaré leur bon plaisir, et nous devons nous y conformer… Ma sœur, je pense que nous sommes restées trop long-temps ici, et que notre présence est nécessaire ailleurs… M. Mordaunt nous excusera, un jour où nous sommes si occupées. »

Les deux sœurs se donnèrent le bras. Halcro s’efforça vainement de les retenir, en faisant un geste théâtral et s’écriant :


Quoi ! le jour et la nuit ! c’est chose merveilleuse !


Puis il se retourna vers Mordaunt Mertoun, et ajouta : « Les jeunes filles sont possédées de l’esprit du changement ; elles prouvent, comme le dit bien notre maître Spencer,


Que chez tous les vivants existe l’inconstance.


— Capitaine Cleveland, continua-t-il, est-il rien arrivé à votre connaissance qui puisse faire perdre la mesure à ces deux jeunes Grâces ? — Ce serait perdre son temps, répondit Cleveland, que de chercher pourquoi le vent change de direction, ou pourquoi une