Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/160

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s’écria le poète croyant dire une chose fort spirituelle, « souhaiterait d’en avoir deux, s’il peut aussi bien labourer avec un seul ? — Et dites-moi, reprit Magnus, comment il serait possible à Neil de Lupness, qui a perdu un bras en tombant du haut de Nekbreckan, d’employer une charrue à deux manches ? — Les harnais sont en peau crue de veau marin. — Épargne de cuir tanné, répliqua l’udaller. — Elle est traînée par quatre méchants bœufs attelés de front ; et il faut deux femmes pour suivre cette misérable machine, pour achever le sillon avec leurs pelles. — Buvez un coup, maître Yellowley, et, comme vous dites en Écosse, ne retirez pas le pouce. Nos bœufs sont trop bouillonnants d’ardeur pour vouloir qu’un aille devant l’autre ; nos hommes sont trop galants et trop bien élevés pour travailler aux champs sans femmes qui leur tiennent compagnie ; nos charrues labourent notre terre ; notre terre nous produit de la drèche ; nous brassons notre ale, nous mangeons notre pain, et les étrangers sont toujours les bienvenus pour partager avec nous. À votre santé, maître Yellowley ! »

Cette réplique fut débitée d’un ton qui demandait que la dispute en demeurât là. En conséquence, Halcro murmura à Mordaunt : « Voilà une affaire finie ; revenons maintenant au glorieux John. Il portait donc ses vêtements noirs, dont il devait le mémoire depuis deux ans, comme me le dit ensuite mon digne propriétaire. Eh Dieu ! quel œil il avait ! Ce n’étaient pas les yeux étincelants, comme ceux du faucon, que nous autres poètes nous sommes toujours portés à décrire ; mais un regard doux, calme et pénétrant, tel que jamais je n’aperçus son pareil de ma vie, à moins que celui de Stephen Kleancogg, le violon de Papastow, qui… — Holà ! parlons de John Dryden, » dit Mordaunt, qui, faute d’amusement plus gai, commençait à trouver une espèce de plaisir à tenir le vieux conteur dans sa narration, comme on serre de près un mouton rétif qu’on veut saisir. Halcro revint à son sujet avec sa phrase habituelle de : « Ah ! oui… le glorieux John… en bien ! mon cher monsieur, il tourna les yeux que je vous ai décrits sur mon propriétaire, et dit : « Honnête Tim, que venez-vous chercher ici ? » Et tous les beaux esprits, les lords, les messieurs qui avaient coutume de l’entourer, comme les jeunes filles entourent un colporteur en foire, nous firent place et nous parvînmes au coin du feu, où il avait établi sa chaise. J’ai ouï dire qu’il se mettait sur le balcon en été, mais il était au coin du feu quand je l’ai vu. Tim Thimblethwaite traversa donc la foule, aussi fier qu’un lion, et moi je