Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/248

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habitudes et de leurs passions, et selon toute probabilité ils causeront leur ruine et la mienne. — Ne le craignez pas, répondit Minna ; mon père ne sera jamais assez injuste pour vous rendre responsable des crimes des autres. — Mais que dira Magnus Troil des miens ? dit Cleveland avec un sourire. — Mon père est Norwégien ; c’est le descendant d’une race opprimée ; il ne s’inquiétera pas si vous combattez contre les Espagnols, qui sont les tyrans du nouveau monde, ou contre les Hollandais ou les Anglais, qui leur ont succédé dans leurs domaines usurpés. Ses propres ancêtres ont conservé et mis en pratique la liberté des mers sur ces braves navires dont les pavillons étaient l’effroi de toute l’Europe. — Je crains néanmoins, » dit Cleveland, avec un nouveau sourire, « que le fils d’un roi des mers ait peine à voir une digne connaissance dans un corsaire moderne. Je ne vous ai pas déguisé que j’ai des raisons pour craindre les lois anglaises ; et Magnus, quoique grand ennemi des taxes, des impôts, du scalt, du wattle et autres droits, n’a point les idées bien larges sur des points d’un caractère général ; il suspendrait volontiers une corde à la grande vergue en faveur d’un malheureux flibustier. — Ne le supposez pas, répondit Minna ; il souffre trop lui-même de l’oppression des lois tyranniques de nos fiers voisins d’Écosse. Je compte qu’il sera bientôt capable d’y résister ouvertement. Les ennemis, c’est le nom que je veux leur donner, sont maintenant divisés entre eux, et chaque vaisseau venant de leurs ports apporte la nouvelle de commotions récentes : les Highlanders contre les Lowlanders, les Williamites contre les Jacobites, les Whigs contre les Torys, et pour rendre la fête complète, le royaume d’Angleterre contre celui d’Écosse. Qui donc nous empêcherait, comme Claude Halcro nous l’a si bien donné à penser, de profiter des querelles de ces brigands pour reconquérir l’indépendance dont ils nous ont privés ? — Pour hisser l’étendard du corbeau sur le château de Scalloway, » ajouta Cleveland, en imitant le ton et les gestes de son amante ; « pour proclamer votre père le comte Magnus Ier. — comte Magnus VII, s’il vous plaît, reprit Minna ; car six de ses ancêtres ont porté la couronne de comte avant lui. Vous riez de mon ardeur ; mais qui est-ce qui empêcherait tout cela ? — Rien ne l’empêchera, parce que rien ne sera jamais tenté ; mais, pour l’empêcher, il ne faudrait pas une force plus imposante que celle de la grande chaloupe d’un vaisseau de guerre anglais. — Vous nous traitez avec mépris, monsieur, pourtant vous devriez savoir par expérience ce que peuvent faire quelques hommes déterminés. — Mais il faut les armer ; il faut