Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/333

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le martyr. Ces ruines touchent au palais de l’évêque, qui est aussi fort délabré, et cet endroit excite une forte émotion en étalant à la fois les vestiges des changements survenus au milieu des Orcades dans l’Église et dans l’État, bien que les îles eussent dû se trouver plus à l’abri des révolutions que tout autre pays du monde. On pourrait prendre certaines parties de ces bâtiments ruinés, sauf quelque modification, pour le modèle d’un manoir gothique ; il faudrait pourtant que l’architecte se contentât d’imiter ce qui est réellement beau dans ce genre de construction, qu’il ne mélangeât point au hasard le caractère des constructions domestiques, religieuses, ou militaires ; qu’il n’ajoutât point à une architecture formée capricieusement du génie de tous les âges, les inventions de son propre cerveau.

Le Palais du Comte forme les trois côtés d’un carré oblong, et paraît encore, dans ses ruines, un morceau d’architecture élégant. Quoique massif, il réunissait, comme c’était l’ordinaire dans les manoirs des princes féodaux, le caractère d’un palais à celui d’un château fort. Une grande salle à manger, avec une vaste cheminée à chaque bout, communiquant avec plusieurs larges tourelles rondes et saillantes, témoigne de l’antique hospitalité des comtes des Orcades ; cette salle ouvre, presque à la mode moderne, sur une galerie ou antichambre de dimensions correspondantes, où l’on trouve, comme dans la salle, des tourelles en saillie. L’appartement principal est éclairé par une belle fenêtre gothique en pierre sculptée, et l’on y arrive par un escalier spacieux et richement orné, dont les marches, en pierre, se divisent en trois paliers. Les ornements extérieurs et les proportions de cet antique bâtiment sont également admirables ; mais comme il n’est nullement entretenu, ce reste de la pompe et de la grandeur des comtes, qui osaient s’ériger en petits souverains, marche de jour en jour à une dégradation complète : il a surtout considérablement souffert depuis la date de notre histoire.

Les bras croisés et les yeux baissés, le pirate Cleveland se promenait lentement dans la salle délabrée que nous venons de décrire, retraite qu’il avait probablement choisie parce qu’elle était éloignée de tout lieu de réunion. Son habillement ne ressemblait guère à celui qu’il avait coutume de porter dans les îles Shetland. C’était une espèce d’uniforme richement galonné, et couvert de broderies ; un chapeau surmonté d’une plume, et une petite épée d’un travail exquis, arme inséparable de quiconque prenait le titre de gentil-