Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/406

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leurs excès, et s’ils vous eussent offensée, seulement par une parole grossière, ils auraient… Mais qu’allais-je dire, insensé !… je suis prisonnier ! — Vous ne le serez pas long-temps, votre sûreté, la sûreté de mon père… tout demande immédiatement votre mise en liberté. J’ai conçu un projet pour vous délivrer, qui ne peut manquer si on l’exécute hardiment. Le jour commence à baisser… enveloppez-vous de mon manteau, et vous passerez aisément en face des gardes… Je leur ai donné les moyens de s’amuser, et ils sont très occupés maintenant. Courez vers le lac de Stennis, et cachez-vous-y jusqu’au lever du soleil ; allumez alors un feu à l’endroit où le terrain, se projetant des deux côtés dans le lac, se sépare presque en deux au pont de Broisgar. Votre vaisseau, qui a jeté l’ancre près de là, vous enverra une barque… N’hésitez pas un instant. — Mais vous, Minna !… quand ce projet bizarre réussirait, que deviendriez-vous ? — Quant à la part que j’aurai prise à votre évasion, la pureté de mes intentions… oui, la pureté des intentions me justifiera devant Dieu, et la sûreté de mon père, dont le sort dépend du vôtre, m’excusera aux yeux des hommes. »

Elle lui exposa en peu de mots l’histoire de leur captivité et les conséquences qui en résultaient. Cleveland joignit les mains et leva les yeux au ciel pour le remercier d’avoir permis que les deux sœurs échappassent à la brutalité de ses camarades, puis il se hâta d’ajouter : « Mais vous avez raison, Minna, je dois m’évader à tout prix… je dois m’évader pour sauver votre père. Adieu donc… mais, je l’espère, non pour toujours. — Pour toujours ! » répondit une voix qui paraissait sortir d’un sépulcre.

Ils tressaillirent, regardèrent autour d’eux, puis se regardèrent l’un l’autre. Il semblait que les échos de l’édifice eussent répété les derniers mots de Cleveland ; mais l’accent dont ils avaient été prononcés était trop emphatique. « Oui, pour toujours ! » dit Norna de Fitful-Head, en s’avançant de derrière un des larges piliers saxons qui soutenaient la voûte de la cathédrale… « Ici se rencontrent le pied sanglant et la main sanglante… Heureusement pour tous deux que la blessure d’où ce sang sortit est maintenant fermée… Ici vous vous rencontrez… pour la dernière fois ! — Non pas, » dit Cleveland, qui paraissait vouloir saisir la main de Minna… « Nous séparer, moi et Minna, tant que je vivrai ?… Il faut alors qu’elle-même l’ordonne. — N’y songez pas ! » reprit Norna, en se plaçant entre eux ; « ne songez pas à une pareille folie !… Ne nourrissez pas le vain espoir de vous retrouver jamais… Vous allez vous