Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/440

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que les curieux de tout âge et de tout métier coururent voir les prisonniers qui traversaient Kirkwall ; chacun triomphait en songeant combien ils devaient ressembler peu alors à ces hardis pirates qui venaient quelques jours auparavant faire les glorieux, exciter des troubles et des querelles dans les rues de la ville. On aperçut bientôt les baïonnettes des soldats de marine, qui brillaient au soleil : venaient ensuite les misérables captifs, attachés deux à deux par le bras. Leurs beaux habits avaient été mis en pièces par les vainqueurs, et les prisonniers n’avaient plus que des haillons sur leurs épaules ; les uns étaient blessés et couverts de sang, les autres noircis et brûlés par l’explosion à laquelle les plus déterminés avaient eu recours pour faire sauter le vaisseau. Presque tous avaient l’air sombre et impénitent ; quelques uns seulement semblaient affectés de sentiments convenables à leur situation ; enfin un fort petit nombre bravaient l’infortune et chantaient encore les chansons obscènes dont ils faisaient retentir les rues de Kirkwall après leurs orgies.

Le contre-maître et Goffe, attachés ensemble, s’épuisaient en menaces et en imprécations l’un contre l’autre ; le premier accusait le capitaine de n’avoir pas su diriger le vaisseau, le second accusait le contre-maître de l’avoir empêché de mettre le feu à la poudre avant d’en consommer une partie à tirer le canon, et d’aller ainsi tous ensemble dans l’autre monde. Enfin, arrivaient Cleveland et Bunce, à qui l’on permettait de marcher sans être garrottés ; la tristesse décente et l’air plein de dignité du premier formaient un contraste marqué avec la mine et les manières théâtrales que le pauvre Jack avait jugé convenable de prendre pour cacher des émotions moins nobles. On voyait l’un avec compassion, l’autre avec un mélange de mépris et de pitié ; tandis que la plupart des autres inspiraient de l’horreur et même de la crainte par leurs regards et leurs discours.

Il y avait à Kirkwall un individu qui, loin de courir avec empressement assister à un spectacle qui attirait tous les yeux, ne se doutait pas même de l’événement qui agitait toute la ville. C’était M. Mertoun père, qui se trouvait aux Orcades depuis deux ou trois jours, dont la plus grande partie avait été employée par lui à suivre les débats d’une plainte judiciaire portée contre le digne Bryce Snailsfoot. Par suite d’informations prises sur la conduite de l’honnête colporteur, la caisse de Cleveland, avec ses papiers et autres objets qu’elle renfermait, avait été rendue à Mertoun, comme