Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/76

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n’allons pas du même côté, répondit la sibylle, et Norna n’a pas besoin d’un bras mortel qui la soutienne dans sa route. Je suis appelée bien loin dans l’est par des personnes qui sauront bien aplanir mon chemin. Pour toi, Bryce Snailsfoot, » continua-t-elle en parlant au colporteur, « fais halte vers le Sumburgh… Le robst te produira une jolie moisson qui vaudra bien la peine d’être récoltée. Beaucoup d’excellentes marchandises y viendront sous peu chercher un nouveau possesseur ; car le soigneux pilote dormira trop profondément dans l’abîme pour s’inquiéter si les ballots et les sacs viennent frapper sur les côtes. — Non, non, bonne mère, répondit Snailsfoot, je ne demande la mort de personne pour mon profit particulier, et suis très reconnaissant à la Providence des succès qu’elle accorde à mon petit commerce. Mais à coup sûr la ruine d’un homme fait la fortune d’un autre ; et comme ces tempêtes détruisent certains biens sur la terre, il est juste qu’elles nous envoient certains dons par mer. Je prends donc la liberté, comme vous-même, bonne mère, d’avaler une bouchée de pain d’orge et une gorgée de bland, et je vous souhaite le bonjour ; je vous remercie, vous, ce bon monsieur et madame, puis je dirige ma route sur Jarlshof, suivant votre conseil. — Oui, reprit la pythonisse, où il y a meurtre les aigles se rassemblent ; et à l’endroit de la côte où échoue le vaisseau, le colporteur est aussi affairé à ramasser des débris que le requin à se gorger de cadavres. »

Cette réprimande, si c’en était une, semblait au dessus de la compréhension du marchand ambulant, qui, tout entier au gain, prit sa valise et l’aune qui lui servait en même temps de canne, et demanda à Mordaunt, avec la familiarité permise dans un pays encore sauvage, s’il ne lui tiendrait pas compagnie en chemin.

« Il faut d’abord que je dîne avec M. Yellowley et mistress Baby, répondit le jeune homme, et je partirai dans une demi-heure. — Alors je mangerai mon morceau sur le pouce, » dit le colporteur. En conséquence il murmura une bénédiction, et, sans plus de cérémonie, il s’empara de ce qui parut les deux tiers d’un pain aux yeux sordides de mistress Baby, donna un rude assaut à la cruche de bland, saisit une poignée de petits poissons appelés sillocks, que la servante venait de placer sur la table, et quitta l’appartement sans plus d’embarras.

« Sur ma parole, » s’écria mistress Baby ainsi dépouillée, « c’est une soif et une faim de chaland, comme on dit. Si les lois contre le vagabondage ne sont pas mieux exécutées…. Ce n’est pas que je