Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/41

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nier n’articulait qu’avec difficulté, et comme s’acquittant d’un acte de devoir dont il était plutôt honteux, il prononçait à peine les mots d’usage : « Que demandez-vous ?… Que demandez-vous ?… des montres ?… des horloges ?… des lunettes ?… Que demandez-vous, monsieur ?… Que demandez-vous, madame ?… des lunettes ?… des montres ?… des horloges ? »

Mais cette insipide répétition, qui n’était variée que par le différent arrangement des mots, était plate en comparaison du style fleuri et pompeux de Jenkin Vincent, cet apprenti au front intrépide, à la langue dorée, à l’esprit vif et railleur, que nous avons déjà décrit. « Que demandez-vous, noble monsieur ?… Que demandez-vous, ma belle dame ? » disait-il d’un ton en même temps hardi et flatteur, ce qui était souvent appliqué de manière à plaire aux personnes auxquelles il s’adressait, et à exciter un sourire parmi ses auditeurs. « Dieu bénisse Votre Révérence ! » criait-il à un ecclésiastique bénéficier ; « le grec et l’hébreu ont fatigué les yeux de Votre Révérence… Achetez une paire de lunettes de David Ramsay ! le roi, Dieu bénisse Sa Majesté sacrée ! ne lit jamais l’hébreu ou le grec sans en faire usage. — En êtes-vous bien sûr ? dit un corpulent ministre de la vallée d’Évesham ; en ce cas, si le chef de l’Église en porte, Dieu bénisse Sa Majesté sacrée ! je veux essayer ce qu’elles pourront faire pour moi ; car je ne suis plus en état de distinguer une lettre hébraïque d’une autre, depuis… je ne sais combien de temps, depuis une maladie que j’ai faite. Choisissez-moi une paire de lunettes, de celles que porte Sa Majesté sacrée, mon bon garçon. — En voici une paire qui conviendra à Votre Révérence, » reprit Jenkin en montrant une paire de lunettes qu’il touchait de l’air d’un profond respect. « Sa Majesté sacrée les a mises il y a quelques semaines sur son respectable nez, et les aurait gardées pour son usage très-sacré ; mais la monture en étant, comme le voit Sa Révérence, du jais le plus pur, cela convient mieux, comme Sa Majesté très-sacrée s’est plu à le dire, à un évêque qu’à un prince séculier. — Sa Majesté très-sacrée le roi, » répliqua le digne homme, « fut toujours un autre Daniel dans ses jugements. Donnez-moi les lunettes, mon bon garçon, et qui sait sur le nez de qui elles peuvent se trouver placées dans deux ans d’ici ? notre révérend frère de Gloucester se fait vieux. »

Il ouvrit ensuite sa bourse, paya les lunettes, et quitta la boutique d’un air bien plus important que celui qu’il avait en y entrant.