Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/477

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Puis, regardant le corps sanglant de celui qui l’avait tant outragé, il répéta ces paroles solennelles de l’Écriture sainte : « La vengeance m’appartient, dit le Seigneur, et il ne convient qu’à moi de me venger. » Moi que tu as outragé, je serai le premier à te rendre les funèbres devoirs. »

En parlant ainsi, il couvrit le corps de son manteau, et, le regardant un instant, il semblait réfléchir à ce qu’il avait encore à faire. Pendant que cet homme malheureux détachait lentement ses regards du corps du séducteur, pour les reporter sur celle qui avait été la complice et la victime, celle-ci s’était jetée à ses pieds sans oser lever les yeux ; les traits de John, naturellement grossiers et sombres, prenaient une expression de dignité qui en imposait aux jeunes Templiers et même au sentencieux et important Richie Moniplies. En même temps, John dit à sa femme :

« Ne te mets pas à mes genoux, femme ; mais prosterne-toi devant le Dieu que tu as plus offensé que tu ne pourrais offenser un ver semblable à toi-même. Que de fois ne t’ai-je pas dit, quand tu te plongeais dans la légèreté et la dissipation, que l’orgueil mène à la perdition, et qu’un esprit hautain présage la chute de l’homme ! La vanité engendra la folie, la folie engendra le péché, le péché conduit à la mort, sa compagne originelle. Il t’a fallu abandonner tes devoirs, la décence et l’amour vertueux, pour te livrer à un homme méchant et débauché ; et te voilà maintenant, telle que le ver écrasé, te tordant de désespoir à côté du corps inanimé de ton amant. Tu m’as fait bien du mal… tu m’as déshonoré aux yeux de mes amis… tu as éloigné le crédit de ma maison et banni la paix de mon foyer… mais tu fus mon premier et mon unique amour, et, si je puis l’empêcher, je ne te verrai pas devenir une réprouvée… Messieurs, je vous remercie autant que peut le faire un homme dont le cœur est brisé… Richard, saluez, je vous prie, de ma part, votre honorable maître… J’ai encore ajouté à l’amertume de ses chagrins, mais je fus trompé… Levez-vous, femme, et suivez-moi. »

Il lui prit le bras pour la relever, pendant qu’avec des yeux remplis de larmes et des sanglots amers elle s’efforçait d’exprimer son repentir. Elle se cachait le visage de ses mains, tout en se laissant emmener par John. Ce ne fut que lorsqu’ils furent arrivés au détour du buisson qui allait cacher la scène du meurtre, qu’elle se retourna, et, jetant un regard égaré sur le corps de Dalgarno, elle poussa un cri perçant, et, serrant le bras de son mari,