Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/258

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fluet, d’une taille au-dessous de la moyenne, et assez mesquinement vêtu, mais qui parlait avec un ton de confiance propre à montrer qu’il connaissait fort bien l’objet dont il était question. Le prix du cheval ayant été convenu à quinze livres sterling, prix considérable pour l’époque, il restait à fixer celui de la selle et de la bride ; l’homme à la taille mince, à la tournure mesquine, trouva presque autant à dire sur ce sujet que sur l’autre. Comme chacune de ses remarques était toujours faite dans l’intérêt de l’acheteur, Peveril en conclut que c’était un de ces oisifs qui, ne pouvant pas ou ne voulant pas satisfaire leurs goûts à leurs propres dépens, se procuraient une sorte de dédommagement par une complaisance officieuse pour les autres. Espérant obtenir quelques renseignements utiles de cet homme, Julien allait lui offrir poliment de vider une bouteille avec lui, quand il s’aperçut tout-à-coup qu’il avait disparu. À peine avait-il fait cette remarque, que plusieurs chalands entrèrent dans la cour, et d’un air de hautaine importance réclamèrent à l’instant l’attention de Bridlesley et de toute sa suite de jockeys et de palefreniers.

« Trois bons chevaux sur-le-champ, » dit celui qui paraissait être leur chef, et qui était un homme gros et corpulent, tout plein de son importance et de la bonne opinion de son énorme personne ; « trois bons et vigoureux chevaux pour le service des communes d’Angleterre. »

Bridlesley répondit qu’il avait dans ses écuries plusieurs chevaux, dignes d’être montés au besoin par le président lui-même, mais que, pour dire la vérité comme un chrétien, il venait de vendre le meilleur au jeune gentilhomme qui était présent, et qui sans doute consentirait sans peine à céder son marché, puisqu’il s’agissait du service de l’État. — C’est bien parler, ami, » dit le personnage qui prenait un air important, et s’avançant aussitôt vers Julien, il lui demanda avec beaucoup de hauteur de lui céder le cheval qu’il venait d’acheter.

Peveril réprima avec difficulté le désir violent qu’il éprouvait de répondre par un refus positif à une demande aussi déraisonnable et aussi désobligeante ; mais il se ressouvint heureusement que la situation dans laquelle il se trouvait en ce moment exigeait de sa part la plus grande circonspection. Il répondit donc simplement à l’étranger que, s’il lui prouvait qu’il était autorisé à prendre des chevaux pour le service public, il renoncerait tout de suite à son marché.