Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/275

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autre moyen. Je ne suis plus Ganlesse, le prêtre catholique ; je suis, » poursuivit-il en prenant un son de voix nasillard ; « je suis Simon Ganter, pauvre prédicateur de la parole divine, parcourant le monde pour appeler les pécheurs au repentir, les fortifier, les édifier, et faire fructifier la vérité parmi les fidèles dispersés. Eh bien ! que dites-vous de cela ? monsieur. — J’admire votre versatilité, monsieur ; elle m’amuserait certainement dans toute autre circonstance, mais j’avoue que, dans ce moment, je préférerais la sincérité à toutes ces plaisanteries. — La sincérité ! reprit l’étranger, c’est une flûte d’enfant qui n’a que deux notes : oui et non. Bah ! les quakers eux-mêmes y ont renoncé : ils ont pris à la place un autre instrument plus complet, que l’on nomme hypocrisie. Il ressemble assez à la sincérité pour la forme, mais il est d’une dimension beaucoup plus grande, et il réunit toutes les notes de la gamme. Allons, laissez-vous gouverner, jeune homme ; consentez à être pour ce soir disciple de Simon Ganter, et nous laisserons sur la gauche le vieux château dont je viens de parler pour nous diriger vers la maison neuve, bâtie en briques, de l’éminent fabricant de sel de Namptwich. Il attend ledit Simon Canter pour apprendre de lui le secret de sauver et de conserver une âme tant soit peu compromise et entachée par ses fréquentes communications avec un monde corrompu. Qu’en dites-vous ? Il a deux filles : jamais plus beaux yeux n’ont brillé sous un modeste chaperon ; et quant à moi, je trouve qu’il y a plus de feu dans ces âmes qui ne vivent que pour l’amour et la dévotion que dans le cœur de ces beautés de cour qui ne s’occupent que de frivolités et de folies. Vous ne savez pas le plaisir qu’on trouve à être le directeur de la conscience d’une jeune et jolie dévote qui fait en soupirant l’aveu de ses faiblesses et de sa passion. Quoique vous ne soyez pas confesseur, peut-être avez-vous quelque idée du plaisir que fait éprouver une pareille confidence. Tenez, il commence à faire trop obscur pour que j’aperçoive votre visage, mais je parierais que vos joues sont brûlantes et couvertes de rougeur. — Vous prenez de grandes libertés, monsieur, » dit Peveril comme ils allaient sortir d’un défilé pour entrer dans une vaste plaine ; « et vous semblez compter sur plus de patience de ma part que je ne suis disposé à vous en montrer. Nous voici bientôt hors de ce défilé qui nous a forcés à marcher de compagnie depuis une demi-heure ; pour n’avoir plus à subir cet inconvénient, je vais tourner sur la gauche, et si vous me suivez ce sera à vos risques