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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/349

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Bridgenorth, fût mêlé dans ce complot infâme, c’était une espèce de monstruosité qu’il concevait à peine. L’étroite parenté pouvait aveugler Bridgenorth, et le justifier d’avoir confié sa fille à un tel homme ; mais quel misérable devait être celui qui, de sang-froid, méditait un si honteux abus de confiance ! Doutant si ce qu’il venait d’entendre n’était point une vile imposture débitée par Chiffinch, il se hâta d’examiner ses papiers, et s’aperçut que la peau de veau marin qui les avait enveloppés ne contenait plus qu’une égale quantité de papiers insignifiants. S’il avait eu besoin d’une preuve de plus pour se convaincre, le coup de pistolet tiré à Bridgenorth lui en eût servi, en lui démontrant qu’on avait touché à ses armes ; il examina son second pistolet, qui était encore chargé, et il vit qu’on en avait retiré la balle. — Puissé-je périr au milieu de ces viles intrigues, se dit-il, si tu n’es mieux chargé, et si tu ne me sers plus utilement ! Le contenu de ces lettres trouvées sur moi peut perdre ma bienfaitrice, causer la ruine de mon père, et me coûter la vie à moi-même, qui en étais le porteur ; mais ce dernier malheur est ce dont je me soucie le moins. Ce qui me trouble le plus, c’est ce complot ourdi contre l’honneur et le repos d’une créature si chaste, que c’est presque un crime de songer à elle sous le même toit que ces infâmes scélérats. Il faut qu’à tout prix je retrouve ces lettres ; mais comment ? Réfléchissons-y. Lance-Outrame est fidèle et résolu ; et quand une fois il est déterminé à faire un coup de hardiesse, les moyens d’exécution ne lui manquent pas. »

L’hôte entra en ce moment ; après s’être excusé de sa longue absence et avoir offert à Peveril quelques rafraîchissements, il l’engagea sans façon à venir établir son quartier de nuit dans un grenier qu’il partageait avec son camarade, ajoutant qu’il devait cette faveur aux talents que Lance-Outram avait déployés dans le comptoir, où il est probable que cet auxiliaire et l’hôte enthousiasmé avaient bu ensemble presque autant de liqueur qu’ils en avaient tiré.

Mais Lance était un vase à l’épreuve sur lequel aucune boisson ne faisait d’impression durable, de sorte que, lorsque Julien éveilla ce fidèle serviteur au point du jour, il lui trouva tout le sang-froid nécessaire pour comprendre le projet qu’il avait formé de recouvrer les papiers si perfidement dérobés. Après avoir écouté son maître avec attention, Lance gesticula, se gratta la tête, et exprima enfin la généreuse résolution qu’il venait de