Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/364

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demnité pour avoir vécu pendant la première année de notre mariage avec le vieux Black-Tom, ce puritain guerroyeur et rechigné : autant eût valu épouser la fille du diable, et faire ménage avec son beau-père. — J’en conclus donc, milord duc, que vous êtes disposé à employer votre crédit contre la maison de Derby. — Puisqu’ils sont en possession illégale du royaume de ma femme, la comtesse de Derby ne doit assurément attendre de ma part aucune faveur, et tu sais qu’il y a à White-Hall une puissance bien supérieure à la mienne. — C’est parce que Votre Grâce le veut bien, dit Christian. — Non, non, cent fois non, » dit le duc dont la colère s’allumait à ce souvenir ; « Je te dis que cette vile courtisane, cette duchesse de Portsmouth s’est mis impudemment en tête de traverser mes projets et de me contrecarrer. Charles m’a regardé d’un air sombre, et m’a parlé durement en présence de toute la cour. Je voudrais qu’il soupçonnât seulement quel est le motif de division entre elle et moi, je le voudrais ! Mais patience ! Je lui arracherai ses plumes, ou je ne me nomme pas Villiers. Une misérable fille de joie française me braver ainsi ! Tu as raison, Christian, nulle passion n’excite mieux l’esprit que l’amour de la vengeance. J’accréditerai la conspiration, ne fût-ce que pour lui causer du dépit, et je rendrai impossible au roi de soutenir cette maîtresse sur le pied où il l’a mise. » En parlant ainsi, le duc s’était exaspéré peu à peu ; il traversait l’appartement à grands pas, gesticulant avec véhémence, comme s’il n’avait eu d’autre objet en vue que de dépouiller la duchesse de son crédit et de sa faveur auprès du roi. Christian sourit intérieurement, en le voyant approcher de la situation d’esprit où il était aise de le mettre ; et très prudemment il garda le silence.

« Eh bien ! sir Oracle, » dit le duc en s’approchant de lui, « vous qui avez dressé tant de plans pour supplanter cette louve gauloise, où sont maintenant toutes vos machinations et toutes vos intrigues ? Où est cette beauté ravissante qui doit fasciner les yeux du souverain au premier aspect ? Chiffinch l’a-t-il vue ? qu’en dit-il, lui qui est un si excellent connaisseur en beautés et en blanc-manger, en femmes et en vins. — Il l’a vue, milord, et il en est satisfait ; mais il ne l’a pas encore entendue parler, et son esprit répond à tout le reste de sa personne. Nous sommes arrivés depuis hier ; je compte lui présenter aujourd’hui Chiffinch dès qu’il sera revenu de la campagne, et je l’attends d’un moment à l’autre. La seule chose dont je suis effrayé, c’est la vertu