Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/476

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récit sur la conspiration ? — Et pourquoi non, milord ? J’espère que je suis un témoin aussi digne de foi que tous ceux qui jusqu’à présent ont comparu. — Vraiment, j’en suis tout à fait convaincu ; et il aurait été bien triste, quand il y avait tant à gagner en faisant le mal, qu’un aussi bon protestant que vous n’eût pas eu sa part de profit. — Je suis venu pour prendre les ordres de Votre Grâce, et non pour servir de sujet à ses plaisanteries. — Bien parlé, très-brave et très-immaculé colonel ! Comme vous allez être à mon service pour un mois, et à paie entière, je vous prie d’accepter cette bourse pour votre équipement et vos dépenses imprévues : vous recevrez de temps à autre mes instructions. — Elles seront ponctuellement remplies, milord, car je connais les devoirs d’un officier subalterne. Je vous souhaite le bonjour. »

À ces mots, il empocha la bourse sans affecter la moindre hésitation ni montrer la moindre reconnaissance, mais simplement comme ayant conclu la partie essentielle d’une affaire régulièrement traitée, et il sortit de l’appartement avec la même gravité sombre qui le distinguait à son arrivée. « Pour le coup, voilà un coquin selon mon cœur, » dit le duc lorsque le colonel fut parti : « voleur dès son berceau, assassin depuis qu’il a su tenir un couteau, profond hypocrite en religion, hypocrite pire et plus profond en honneur, gredin qui vendrait son âme au diable pour accomplir un crime, et qui couperait la gorge à son frère, si, ce forfait une fois commis, il osait lui donner son véritable nom. Eh bien ! pourquoi restez-vous ébahi, mon cher monsieur Jerningham ? Pourquoi me regarder ainsi que vous regarderiez quelque monstre des Indes, après avoir payé votre schelling pour le voir, et en tâchant d’ouvrir, pour toute la valeur de votre argent, vos grands yeux ronds comme des verres de lunettes ? Clignez-les, vos yeux, mon ami ; ne les usez pas, et priez votre langue de m’expliquer ce mystère. — Sur ma parole, milord duc, répondit Jerningham, puisque vous me forcez de parler, je ne puisque vous dire que plus je vis avec Votre Grâce, plus il m’est difficile d’approfondir les motifs de ses actions. D’autres font des plans dans l’espoir de se procurer plaisir ou profit en les exécutant : mais Votre Grâce se délecte à empêcher la réussite de ses propres desseins, lorsqu’il s’agit de les accomplir ; comme un enfant (pardonnez-moi d’oser ainsi parler) qui brise ses jouets favoris, ou comme un homme qui mettrait le feu à sa maison à demi cons-