Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/528

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recourir à la violence, alors ne vous en prenez qu’à vous. Si vous hésitez à m’en croire, je permettrai à M. Julien Peveril de m’accompagner, et il verra que je suis amplement muni des moyens de repousser toute voie de fait. — Trahison ! trahison ! » s’écria le vieux chevalier ; « trahison contre Dieu et le roi Charles ! Oh ! si j’avais seulement pour une demi-heure l’épée dont j’ai eu la sottise de me dessaisir ! — Modérez-vous, mon père, je vous en conjure, dit Julien. Je vais suivre M. Bridgenorth, puisqu’il m’y invite. Je reconnaîtrai par moi-même s’il y a du danger, et de quelle nature ce danger peut être. Il est possible que je le décide à s’abstenir des mesures violentes, s’il est vrai qu’il pense à y recourir. D’ailleurs soyez sûr que votre fils se conduira au besoin comme il le doit. — Comme il vous plaira, Julien, dit son père ; je mets ma confiance en vous. Mais si vous la trahissez, la malédiction d’un père vous poursuivra éternellement. »

Alors Bridgenorth fit signe à Julien de le suivre, et ils sortirent par la petite porte par laquelle il était entré.

Cette issue conduisait dans un vestibule ou une espèce d’antichambre, à laquelle semblait aboutir d’autres corridors. Julien suivit Bridgenorth dans un de ces passages, marchant en silence et avec précaution, pour obéir à l’injonction que son guide lui en avait faite par signe. Avançant ainsi, il ne tarda pas à entendre des sons semblables à ceux d’une voix d’homme se livrant à une déclamation vive et emphatique. Marchant toujours d’un pas lent et léger, Bridgenorth le fit passer par une porte qui terminait le corridor ; et lorsqu’enfin il entra dans une petite galerie fermée par un rideau, la voix, qui semblait être celle d’un prédicateur, devint alors assez distincte pour qu’il en saisit les paroles.

Julien ne douta plus dès lors qu’il ne fut dans un de ces conventicules qui, quoique en contravention avec les lois existantes, continuaient encore à se tenir régulièrement dans différentes parties de Londres et dans les faubourgs. Soit prudence ou timidité, le gouvernement tolérait plusieurs de ces réunions, parce qu’elles étaient fréquentées par des gens modérés dans leurs opinions politiques, quoique dissidents de l’Église par principe de conscience. Mais quelques-unes où se rassemblaient les sociétés plus rigides et plus exaltées des indépendants, des anabaptistes, et d’autres sectaires dont le sombre enthousiasme avait tant contribué à renverser le trône du dernier roi, étaient recherchées, supprimées et dispersées aussitôt qu’on les pouvait découvrir.