Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/581

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tez devant lui le récit que vous nous avez fait. Apprenez-lui quel était le contenu de ce violoncelle, qu’on en a retiré pour vous y introduire. Ne vous laissez intimider par personne, mais dites hardiment la vérité. — N’en déplaise à Votre Majesté, dit Hudson, la crainte est un sentiment qui m’est inconnu. — Il n’y a pas de place dans son corps pour une telle passion, ou bien il s’agit de trop peu de chose pour qu’il appréhende les conséquences, dit Buckingham ; mais qu’il parle. »

Avant qu’Hudson eut achevé son récit, Buckingham l’interrompit, en s’écriant : « Est-il possible que je sois soupçonné par Votre Majesté sur la parole de cette pitoyable variété de la famille des babouins ? — Lord félon, je t’appelle au combat ! » dit le petit homme, grandement offensé de la qualification qu’on lui donnait.

« Voyez-vous ! dit le duc ; le petit animal a tout à fait perdu l’esprit, et défie un homme qui n’aurait besoin d’autre arme que d’une bonne épingle pour lui traverser la poitrine, et qui, d’un coup de pied, pourrait le faire sauter de Douvres à Calais, sans qu’il fût besoin de yacht ou de bateau. Et que pouvez-vous attendre d’un idiot, engoué d’une danseuse de bas étage, qui dansait sur la corde à Gand en Flandre, à moins qu’ils n’unissent leurs talents pour aller se faire voir dans une baraque à la foire de Saint-Barthélémi ? N’est-il pas clair, en supposant que ce misérable pygmée n’agît point par malice, car toute son espèce nourrit une haine invétérée contre ceux qui jouissent des proportions ordinaires de l’humanité ; en supposant, dis-je, que tout cela n’est pas un mensonge perfide de son invention, n’est-il pas évident qu’il a pris des fusées et des pétards chinois pour des armes ? Il ne dit pas qu’il les ait touchées ou maniées ; et je doute que la simple vue suffise à ce vieil avorton, lorsque quelque lubie ou quelque prévention s’est emparée de sa caboche, pour qu’il puisse distinguer un mousqueton d’un boudin. »

Le vacarme horrible que fit le nain dès qu’il entendit ainsi rabaisser ses connaissances militaires, la précipitation avec laquelle il débita les preuves de son expérience belliqueuse, et les ridicules grimaces qu’il fit pour donner de la force à ses assertions, excitèrent un moment l’hilarité du roi, et même celle des hommes d’état qui l’entouraient ; ce qui ajouta quelque ridicule à la bizarrerie de cette scène. Charles mit un terme à la querelle, en ordonnant au nain de se retirer.