Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/96

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Sir Geoffrey s’arrêta et parut embarrassé.

« Vous ne pouvez donc ni me cacher ni me protéger ? dit la comtesse. — Pardonnez-moi, ma chère et honorée lady, répondit le chevalier ; mais permettez-moi de continuer. La vérité est que cet homme a un grand nombre d’amis parmi les presbytériens de ce pays ; qu’ils sont beaucoup plus nombreux que je ne le voudrais, et que si le drôle, porteur du warrant décerné contre vous, tombe entre ses mains, il est probable qu’il ramènera ici avec une force suffisante pour essayer de le mettre à exécution ; et je doute que nous ayons le temps de rassembler assez d’amis pour pouvoir leur résister avec avantage. — Et d’ailleurs, dit la comtesse, je ne voudrais pas qu’aucun de mes amis prît les armes pour s’opposer à l’exécution d’un warrant du roi. — N’ayez point d’inquiétude à cet égard, milady. S’il plaît à Sa Majesté de lancer des mandats d’arrêt contre ses meilleurs amis, elle doit s’attendre qu’ils y résisteront. Mais ce qu’il y a de mieux à faire, selon moi, dans cette conjoncture embarrassante, quoiqu’une telle proposition soit peu conforme aux règles de l’hospitalité, c’est que vous montiez à cheval sur-le-champ, si vous n’êtes pas trop fatiguée. Moi et quelques braves gens nous vous conduirons en sûreté à Vale-Royal, quand même le shériff nous barrerait le chemin avec un posse-comitatus[1]. »

La comtesse de Derby accepta la proposition. Elle avait parfaitement dormi, assurait-elle, la nuit précédente dans la chambre secrète où Ellesmère l’avait conduite ; elle était prête à se mettre en chemin ou à prendre la fuite, car elle ne savait lequel de ces deux termes était le plus convenable.

Lady Peveril pleura sur la nécessité qui forçait l’amie et la protectrice de sa jeunesse à fuir de sa maison avec autant de précipitation, et dans le moment où les nuages de l’adversité paraissaient s’amonceler sur sa tête ; mais elle n’apercevait aucun autre moyen de salut. D’ailleurs, malgré la force de son attachement pour lady Derby, elle ne pouvait voir ce prompt départ avec beaucoup de répugnance, quand elle considérait les inconvénients et même les dangers que sa présence, dans la conjoncture actuelle, pouvait attirer sur un homme d’un caractère aussi entreprenant et aussi ardent que sir Geoffrey.

Tandis que lady Peveril faisait tous les préparatifs que permettaient le temps et les circonstances pour le voyage de la com-

  1. Avec la force armée. a. m.