Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/186

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neige au souffle du vent du sud. Prions Notre-Dame d’Embrun qu’ils ne ressemblent pas à ces monceaux de glace dont les paysans suisses content tant d’histoires, et qu’ils ne se précipitent pas sur nos têtes ! — J’ai appris avec regret que tout ne va pas bien, Sire, répondit Olivier. — Ne va pas bien ! » s’écria le roi se levant et parcourant la galerie à pas précipités ; « tout va mal, je te dis ; et à peu près aussi mal qu’il soit possible d’aller. Et voilà à quoi ont abouti tes précieux et romanesques avis ! Moi, l’homme le moins propre de tous à remplir un tel rôle, me déclarer le protecteur de damoiselles affligées ! Je te dis que la Bourgogne arme et qu’elle est à la veille de conclure une alliance avec l’Angleterre. Édouard, qui a chez lui tant de bras inoccupés, va nous faire pleuvoir des milliers d’hommes par cette maudite porte de Calais. Pris séparément, je pourrais les cajoler, ou les défier ; mais réunis… réunis… et avec cela le mécontentement et la perfidie de ce misérable de Saint-Pol !… C’est ta faute, Olivier ; c’est toi qui m’as conseillé de recevoir ces femmes, et d’employer cet indigne Bohémien pour porter des messages à leurs vassaux. — Sire, dit Olivier, vous connaissez mes motifs. Les terres de la comtesse sont situées entre les frontières de la Bourgogne et de la Flandre : son château est presque inexpugnable ; ses droits sur les domaines voisins sont tels que, s’ils étaient bien soutenus, il ne pourrait en résulter que beaucoup d’embarras pour la Bourgogne, si la dame avait pour époux un homme bien disposé pour la France. — C’est… oui, c’est une amorce bien séduisante ; mais si nous avions pu cacher qu’elle était ici, il nous aurait été possible d’arranger un mariage de ce genre pour cette opulente héritière… Mais ce maudit Bohémien, comment as-tu pu me recommander un pareil chien de païen pour une mission qui était une affaire de commerce ? — Que Votre Majesté veuille bien se rappeler que ce fut elle-même qui lui accorda une trop grande confiance, beaucoup plus grande que je n’aurais voulu. Il aurait porté fidèlement une lettre de la comtesse à son parent, pour lui dire de tenir bon dans son château et lui promettre un prompt secours ; mais Votre Majesté a voulu faire l’expérience de sa science prophétique, et l’a mis ainsi en possession de secrets qui valaient la peine d’être trahis. — J’en suis honteux, Olivier, j’en suis honteux. Cependant, on dit que ces païens tirent leur origine des sages Chaldéens, qui lisaient les mystères des astres dans les plaines de Shinar[1]. »

  1. En Mésopotamie ou Chaldée. On écrit plus communément Sennar. a. m.