Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/253

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tournoi de Strasbourg, tournoi dans lequel dix chevaliers perdirent la vie. Mais ces beaux jours sont loin de nous : personne aujourd’hui ne pense à chercher le danger par amour pour l’honneur, ou pour secourir la beauté persécutée. »

Ces paroles furent prononcées du ton que prend une beauté moderne dont les charmes approchent de leur déclin, quand elle censure le peu de politesse des temps où nous vivons. Quentin prit sur lui de répondre qu’il restait encore quelque chose de cet esprit de chevalerie que la comtesse semblait regarder comme perdu, et qu’on le verrait encore briller dans le cœur des gentilshommes écossais, quand même il aurait disparu de tous les autres lieux. — « L’entendez-vous ? s’écria-t-elle. Il voudrait que nous crussions que son pays froid et inculte conserve encore ce noble feu qui s’est éteint en France et en Germanie ! Le pauvre jeune homme ressemble à un montagnard suisse, pour lequel rien ne se peut comparer à sa terre natale. Il nous dira bientôt merveilles du vin et des olives d’Écosse. — Non, madame, répliqua Durward ; ce que je puis dire du vin et de l’huile de nos montagnes, c’est que nos épées peuvent forcer nos opulents voisins à nous livrer comme tribut ces riches productions. Mais quant à la fidélité inviolable et à l’honneur parfait des Écossais, je suis en ce moment dans la nécessité de vous prouver combien vous devez vous y fier, quoique le faible individu qui vient vous offrir cette preuve ne puisse vous donner d’autre gage de votre sûreté. — Vous parlez mystérieusement, dit la comtesse Hameline ; vous avez donc appris que quelque danger nous menace ? — Depuis une heure je l’ai lu dans ses yeux, » s’écria Isabelle en joignant les mains. « Sainte Vierge, que deviendrons-nous ? — Cela dépend de votre volonté, du moins je l’espère, répondit Durward ; mais je suis forcé de vous demander, nobles dames, si vous voulez vous fier à moi ? — Nous fier à vous ! répondit la comtesse Hameline ; assurément ! Mais pourquoi cette question ? et jusqu’où voulez-vous que notre confiance s’étende ? — Pour ma part, reprit Isabelle, je vous la donne sans aucune restriction, sans aucune condition. Si vous pouviez nous trahir, Quentin, je penserais que la bonne foi a abandonné la terre et n’existe plus que dans le ciel. — Noble dame, » reprit Durward avec une vive satisfaction, « vous me rendez justice. J’ai le projet de changer de route, et d’aller directement à Liège en côtoyant la rive gauche de la Meuse, au lieu de la traverser à Namur. Ceci est contraire aux ordres que m’a