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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/322

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plus grande célérité, je suis convaincu qu’elle se croyait accompagnée de sa nièce, de même que je le croyais moi-même ; car, trompé par l’habillement et le maintien de Marton, je m’imaginais guider les deux dames de Croye, et particulièrement, » ajouta-t-il d’une voix basse mais bien accentuée, « particulièrement celle sans laquelle tous les trésors de l’univers n’auraient pu me déterminer à sortir de Schonwaldt. »

Isabelle baissa la tête, et feignit de ne pas avoir remarqué le ton exalté avec lequel Quentin venait de parler. Cependant elle porta de nouveau les yeux sur lui, quand il commença à parler de la politique de Louis ; et il leur fut aisé de reconnaître, par les communications qu’ils se firent réciproquement, que les deux frères bohémiens et Marton, leur complice, avaient été les agents de ce prince artificieux, quoique Zamet, l’aîné des deux, avec une perfidie particulière à sa race, eût essayé de remplir un double rôle, duplicité qui avait reçu sa récompense.

Tout en se donnant ainsi des preuves d’une confiance mutuelle, et oubliant la singularité de leur situation aussi bien que les périls auxquels ils étaient encore exposés, nos deux voyageurs poursuivirent leur route pendant quelques heures ; ils ne s’arrêtèrent que pour faire rafraîchir leurs chevaux dans un dorff ou hameau écarté, où les conduisit Hans Glover, qui, sous tous les rapports, se conduisit à leur égard en homme sage et discret, comme il l’avait déjà fait en s’éloignant d’eux pour leur permettre de s’entretenir en toute liberté.

Cependant la distinction conventionnelle que l’usage avait établie entre les deux amants, car nous pouvons à présent les qualifier ainsi, semblait diminuer ou même s’effacer entièrement, par suite de la situation dans laquelle ils se trouvaient. Si la comtesse était placée dans un rang plus élevé, si par sa naissance elle devait posséder des richesses bien plus grandes qu’un jeune homme qui n’avait pour toute fortune que son épée, il ne faut pas oublier que, pour le moment, elle n’était pas plus riche que lui, et qu’elle devait à la présence d’esprit, à la valeur et au dévouement de ce jeune homme, son salut, son honneur et sa vie. Quentin ne lui parlait pourtant pas d’amour ; car quoique le cœur de la jeune dame fût tellement rempli de confiance et de reconnaissance, qu’elle n’aurait point fait un crime à son protecteur d’une telle déclaration, la timidité naturelle et les sentiments chevaleresques de celui-ci enchaînaient sa langue, et lui auraient reproché de