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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/400

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projets de vengeance ; et les satellites chargés de l’exécution ne parurent guère moins désappointés de ce sursis. Le Balafré seul, parfaitement indifférent à ce sujet, quitta son poste près de la porte aussitôt que le roi eut fait signe à Tristan de laisser aller Galeotti, s’enveloppa de son manteau, s’étendit à terre, et au bout de quelques minutes il dormait profondément.

Le grand prévôt, pendant que chacun faisait ses dispositions pour goûter quelque repos, après que le roi fut rentré dans sa chambre à coucher, resta les yeux fixés sur les membres vigoureux de l’astrologue, tel qu’un mâtin qui guette un morceau de viande que le cuisinier lui a arraché de la gueule ; et, de leur côté, ses deux satellites se communiquèrent, à voix basse et en peu de mots, les sentiments qu’ils éprouvaient, chacun d’après son caractère particulier.

— « Ce pauvre aveugle de nécromancien, » dit Trois-Échelles d’un ton de commisération et d’onction spirituelle, « a perdu la plus belle occasion d’expier quelques-unes de ses infâmes sorcelleries en mourant par le moyen du cordon du bienheureux saint François ; cependant je m’étais proposé de lui laisser ce charmant collier autour du cou pour servir d’épouvantail au diable et l’empêcher de venir s’emparer de sa malheureuse carcasse. — Et moi, dit Petit-André, j’ai manqué la plus belle occasion de vérifier de combien un poids de deux cent quarante livres peut allonger une corde à trois brins. C’était une précieuse expérience qui aurait tourné au profit de notre profession ; et puis le vieux et joyeux compère serait mort si doucement ! »

Pendant ce dialogue, Martius, qui s’était placé de l’autre côté de l’énorme cheminée de pierre, autour de laquelle on s’était rassemblé, les regardait de côté et d’un air de méfiance. Il mit d’abord la main sous son pourpoint, afin de s’assurer s’il pouvait saisir avec facilité le manche d’un poignard à deux tranchants et bien affilé qu’il portait toujours sur lui ; car, comme nous l’avons déjà remarqué, quoique devenu un peu lourd par suite de son embonpoint, c’était un homme vigoureux, alerte et adroit dans le maniement d’une arme. Convaincu que le fidèle instrument était convenablement placé, il tira de son sein un rouleau de parchemin, sur lequel étaient tracés des caractères grecs et des signes cabalistiques, rapprocha les tisons, et en fit jaillir une flamme à la clarté de laquelle il lui fut possible de distinguer les traits et l’attitude de chacun de ceux qui étaient assis ou couchés autour de