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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/453

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costume héraldique, arrachés par la dent des chiens et par la main des bipèdes qui l’avaient soustrait à leur furie pour le mener à la potence, lui donnaient tout à la fois un air burlesque et déplorable. Son visage portait encore quelques traces du fard dont il l’avait couvert, et son menton quelques restes de la barbe postiche à l’aide de laquelle il avait essayé de se déguiser, tandis que la pâleur de la mort régnait sur ses joues et sur ses lèvres. Cependant, armé d’un courage passif, comme la plupart des gens de sa caste, son regard brillant, quoique égaré, et le sourire contraint de sa bouche, semblaient défier la mort qui l’attendait. Quentin fut ému d’horreur et de pitié en approchant de ce malheureux ; et ce double sentiment se trahit sans doute dans sa contenance, car Petit-André lui cria :

— « Allons, mon jeune archer, un peu moins de lenteur ; ce noble personnage n’a pas le loisir de vous attendre, et vous marchez sur ces cailloux comme si c’étaient des œufs et que vous eussiez peur de les casser. — Il faut que je lui parle en particulier, » dit Hayraddin avec un accent qui annonçait le désespoir. — « Cela ne s’accorde guère avec notre devoir, mon aimable Saute-l’Échelle, lui répondit Petit-André ; nous vous connaissons de vieille date, vous êtes une anguille très-prompte à nous glisser de la main. — J’ai les pieds et les poings liés avec les sangles de vos chevaux, répartit le Bohémien ; vous pouvez faire bonne garde autour de moi, à une distance raisonnable. Cet archer est serviteur de votre roi ; et si je vous donne dix guilders[1]… — Employés à faire dire des messes, ils peuvent être utiles à sa pauvre âme, dit Trois-Échelles. — Employés en vin et en eau-de-vie, ils pourront faire du bien à mon pauvre corps, répondit Petit-André. Ainsi donc, montre-nous tes florins, mon petit danseur de corde. — Donne leur curée à ces chiens, » dit Hayraddin à Durward, « tu y gagneras quelque chose : on ne m’a pas laissé une obole quand on m’a arrêté. »

Quentin paya aux exécuteurs la somme convenue, et en hommes de parole, ils se retirèrent hors de la portée de la voix, ayant soin toutefois de suivre d’un œil attentif tous les mouvements de leur proie. Quentin attendit un instant que le malheureux lui adressât la parole : mais voyant qu’il gardait le silence, il lui dit : « Voilà donc où tu en es enfin arrivé. — Oui, répondit Hayraddin, et il n’était besoin ni d’astrologues, ni de physionomistes, ni de

  1. Monnaie hollandaise connue plus généralement sous le nom de florin. a. m.