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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/470

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elle prit si bien ses mesures qu’avant que les troupes fussent en pleine marche, Durward reçut par une main inconnue la lettre d’Hameline, portant trois croix vis-à-vis du post-scriptum, avec l’addition de ces mots : « Celui qui ne recula pas devant les armoiries du fils du bâtard d’Orléans, quand elles brillaient sur la poitrine du brave chevalier qui seul a droit de les porter, ne les redoutera point quand il les verra sur celle d’un tyran et d’un assassin. » Le jeune Écossais baisa, et pressa mille et mille fois sur son cœur le précieux avis qui lui parvenait ainsi, car il lui indiquait la route au bout de laquelle l’honneur et l’amour lui préparaient une double couronne, et il mettait en sa possession un secret, inconnu à tout autre, à l’aide duquel il saurait reconnaître celui dont la mort pouvait seule donner la vie à ses espérances, secret qu’il prit la sage résolution de renfermer religieusement dans son sein.

Toutefois Durward vit la nécessité d’agir autrement relativement à l’avis que lui avait donné Hayraddin, puisque la sortie que de la Marck se proposait de faire pouvait causer la destruction de l’armée assiégeante, si on ne prenait les plus grandes précautions : tant il était difficile, dans la manière tumultueuse dont on faisait encore la guerre à cette époque, de se remettre d’une surprise nocturne ! Après y avoir mûrement réfléchi, il ajouta à sa première résolution, qui était bien de révéler cet avis, celle de ne le faire que personnellement et aux deux princes réunis, peut-être parce qu’il craignait qu’en communiquant à Louis en particulier un plan si bien concerté et dont le succès paraissait assuré, ce ne fût une tentation trop forte pour la probité vacillante de ce monarque, qui se laisserait peut-être entraîner à seconder les assaillants, au lieu de les repousser. Il se détermina donc à attendre, pour révéler son secret, que Louis et Charles se trouvassent ensemble ; occasion qui probablement devait ne pas se présenter de sitôt, car ni l’un ni l’autre n’était empressé de se soumettre à la contrainte que leur imposait mutuellement leur présence.

Cependant les confédérés continuaient leur marche, et bientôt ils entrèrent sur le territoire de Liège. Là, les soldats bourguignons, ou du moins une partie d’entre eux, c’est-à-dire ces bandes qui avaient acquis le surnom d’escorcheurs, montrèrent qu’ils méritaient ce titre honorable par les mauvais traitements qu’ils firent subir aux habitants des campagnes, sous prétexte de venger la mort de l’évêque. Cette conduite désordonnée fit un tort