Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/145

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« Je n’ai aucune raison, seigneur capitaine, dit-il, de contredire les opinions quelconques que vous pouvez avoir conçues d’une jeune personne avec laquelle vous paraissez être si étroitement lié. Je m’étonne seulement que, malgré l’intérêt que vous devez lui porter à titre de parent, vous soyez prêt à admettre, sur des traditions populaires et ridicules, une croyance qui ne peut être qu’injurieuse pour votre cousine, à plus forte raison pour une femme avec laquelle vous dites avoir le désir de former une union encore plus intime. Songez donc, monsieur, que dans tous les pays chrétiens, l’imputation de sorcellerie est la plus fâcheuse qu’on puisse faire à un homme ou à une femme professant la religion chrétienne. — Et je suis tellement éloigné de vouloir qu’on la fasse ici, que, par la bonne épée que je porte, le premier qui oserait émettre une pareille idée contre Anne de Geierstein serait aussitôt défié par moi et devrait prendre ma vie ou perdre la sienne. Mais il ne s’agit pas de savoir si la jeune fille pratique elle-même la sorcellerie : l’impudent qui le soutiendrait ferait bien mieux de préparer sa tombe et de pourvoir au salut de son âme ; mais le doute est admissible sur ce point. Comme elle descend d’une famille dont les relations avec le monde invisible passent pour avoir été des plus intimes, ne se peut-il pas que des fées et des êtres fantastiques aient la puissance d’imiter sa forme, et de la faire, pour ainsi dire, apparaître dans des lieux où elle ne se trouve pas personnellement… jouissent enfin de la permission de jouer à ses dépens certains tours qui leur sont défendus à l’égard des autres mortels dont les aïeux ont toujours réglé leur vie d’après les préceptes de l’Église, et qui sont régulièrement morts dans sa communion ? Et comme je désire sincèrement conserver votre estime, je ne puis me refuser à vous communiquer des circonstances plus particulières sur sa généalogie, circonstances qui confirmeront encore l’idée que j’ai tout à l’heure émise ; mais vous comprendrez qu’elles sont d’une nature très singulière, et que je dois compter sur une discrétion entière de votre part, sous peine de la plus légitime vengeance. — Je garderai le silence, seigneur, » répliqua le jeune Anglais, qui luttait encore contre la colère qu’il avait réprimée, « sur toute chose qui pourra se rattacher à la réputation d’une jeune fille que je suis tenu de respecter religieusement. Mais la crainte du mécontentement d’aucun homme ne peut ajouter le poids d’une plume à la garantie de mon honneur. — Soit. Mon intention n’est pas de réveiller une vieille haine ; mais je désire,