Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/84

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CHAPITRE VI.

LE DUEL.

Quand nous venons à nous rencontrer tous deux, nous nous rencontrons comme deux torrents qui se heurtent, comme des vents qui se combattent, comme des flammes qui partent de points différents, rivalisent de furie les unes avec les autres… Non, les éléments qui combattent, fussent-ils guidés par des démons, n’ont rien qui ressemble à la colère des hommes.
Frenaud.

Le plus âgé des deux voyageurs, quoique robuste et familier avec la fatigue, dormit plus profondément et plus long-temps que de coutume, car il sommeillait encore lorsque le jour commençait à poindre, mais son fils Arthur avait l’esprit préoccupé d’une chose qui interrompit son repos de bien meilleure heure.

Le rendez-vous dont il était convenu avec l’impétueux Helvétien, brave descendant d’une illustre race de guerriers, était un engagement qui, dans l’opinion de l’époque où il vivait, ne pouvait être ni différé ni rompu. Il quitta le lit de son père, évitant autant que possible de le réveiller, quoique même en ce cas la circonstance n’aurait nullement excité sa surprise, puisqu’il avait l’habitude de se lever plus tôt que lui pour faire les préparatifs du voyage de la journée, voir si le guide était à son poste, et si la mule avait mangé sa provende, enfin s’acquitter d’une foule de soins semblables, qui autrement eussent importuné son père. Au reste le vieillard, fatigué de la longue marche du jour précédent, dormait, comme nous l’avons dit, d’un sommeil plus profond qu’à l’ordinaire, et Arthur, s’armant de sa bonne épée, sortit de la maison, et traversa la pelouse qui décorait le devant de la ferme du landamman, au milieu du brouillard magique d’une belle matinée d’automne dans les montagnes de la Suisse.

Le soleil allait précisément dorer le faîte du fils le plus gigantesque de cette race de Titans, quoique les longues ombres se déployassent encore sur l’herbe durcie qui, craquant sous les pieds du jeune homme, annonçait une forte gelée blanche. Mais Arthur ne s’arrêta point à regarder le paysage, si admirable qu’il fût, qui n’attendait plus qu’un rayon de l’astre du jour pour recevoir une brillante existence. Il serra le ceinturon qui soutenait sa fidèle épée et qu’il attachait en s’esquivant de la maison, et avant d’en