Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 22, 1838.djvu/36

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quois, chacune empennée des plumes d’un aigle : lorsque j’envoie une de ces flèches vers mes tentes, mille guerriers montent à cheval. Si j’envoie la seconde, une force égale se met en route. À l’aspect de ces cinq flèches, cinq mille hommes sont à mes ordres ; et si enfin j’envoie mon arc, dix mille cavaliers viennent ébranler le désert. Et c’est avec tes cinquante cavaliers que tu es venu envahir une terre dont je suis un des plus chétifs maîtres ?

— De par la croix ! Sarrasin, répondit le guerrier d’Occident, tu devrais savoir, avant de te vanter, qu’un gantelet de fer peut écraser tout un essaim de frelons.

— Oui, mais il faut auparavant mettre la main dessus, » dit le Sarrasin avec un sourire qui aurait pu porter atteinte à la nouvelle alliance des deux guerriers, s’il n’eût changé de sujet en ajoutant : « La bravoure est-elle donc si estimée des princes chrétiens, que toi, ainsi dépourvu d’hommes et de moyens, tu puisses offrir de me servir de protecteur et de sauve-garde dans le camp de tes frères.

— Sache, Sarrasin, puisque tu parles ainsi, dit le chrétien, que le nom d’un chevalier et le sang d’un gentilhomme lui donnent le droit de se placer au rang des premiers souverains en tout ce qui ne concerne pas l’autorité et la puissance royale. Si Richard d’Angleterre outrageait l’honneur d’un chevalier, même aussi pauvre que je le suis, il ne pourrait, d’après les lois de la chevalerie, lui refuser le combat.

— Il me semble, dit l’émir, que j’aimerais à contempler un spectacle aussi étrange, et à voir comment un baudrier de cuir et des éperons mettent le plus pauvre au niveau du plus puissant.

— Il faut y ajouter un sang noble et un cœur intrépide, reprit le chrétien, et alors vous aurez dit la vérité.

— Et avez-vous un aussi libre accès auprès des femmes de vos princes et de vos chefs ? demanda le Sarrasin,

— À Dieu ne plaise, dit le chevalier du Léopard, que le plus pauvre chevalier de la chrétienté n’ait la liberté, en tout honorable service, de dévouer son cœur et son épée, la gloire de ses actions et la constante idolâtrie de son cœur, à la plus belle princesse dont le front ait jamais été ceint d’une couronne.

— Il n’y a qu’un moment, dit le Sarrasin, que tu dépeignais l’amour comme le trésor le plus précieux que le cœur puisse renfermer. Tu as sans doute donné le tien à quelque haute et noble dame ?