Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 22, 1838.djvu/37

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— Étranger, » reprit le chrétien en rougissant, « nous ne sommes pas assez imprudents pour dire où nous avons placé nos trésors les plus précieux : qu’il te suffise de savoir que mon amour, comme tu le disais tout à l’heure, s’est donné à un noble et illustre objet, au plus noble, au plus illustre. Mais si tu aimes à entendre raconter des faits d’amour et des exploits guerriers, rends-toi au camp des chrétiens : tu y trouveras de quoi occuper tes oreilles, et peut-être ton bras. »

Le guerrier d’Orient, s’élevant sur ses étriers et brandissant sa lance en l’air, s’écria : « J’aurai de la peine, je crois, à trouver quelqu’un qui, portant l’arc sur l’épaule, veuille lutter avec moi au tir du jerrid.

— Je ne puis répondre de cela, répliqua le chevalier, quoiqu’il y ait dans le camp certains Espagnols qui ne manquent pas d’adresse dans votre manière orientale de lancer la javeline.

— Chiens et fils de chiens ! s’écria le Sarrasin, quel besoin ont ces Espagnols de venir ici combattre les vrais croyants, qui, dans leur pays, sont leurs seigneurs et leurs maîtres. Je ne voudrais me mêler avec eux dans aucun jeu guerrier.

— Prenez garde que les chevaliers de Léon et des Asturies ne vous entendent parler d’eux de cette manière, dit le chevalier du Léopard. Mais, » ajouta-t-il en souriant, car le souvenir du combat du matin se retraçait à son esprit, « si au lieu d’un roseau vous êtes disposé à braver la hache d’armes, il ne manquera pas de guerriers européens prêts à satisfaire votre désir.

— Par la barbe de mon père ! sire chevalier, » dit le Sarrasin en s’efforçant de rire, « c’est un jeu trop rude pour servir de passe-temps. Je ne l’éviterai jamais dans une bataille ; mais ma tête, » ajouta-t-il en passant la main sur son front, « ne me permettra pas de quelque temps de m’y exposer par plaisir.

— Je voudrais que vous vissiez la hache d’armes du roi Richard : celle qui pend à l’arçon de ma selle n’est qu’une plume en comparaison.

— Ou parle beaucoup de ce souverain insulaire, serais-tu un de ses sujets ?

— Je suis attaché à sa bannière dans cette expédition, et je m’en honore ; mais je ne suis pas son sujet, quoique né dans l’île où il règne.

— Que veux-tu dire ? avez-vous deux rois dans une misérable île ?

— Comme tu le dis, répondit l’Écossais (car sir Kenneth était