Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/447

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nous ne secouons de nos mantelets les gouttes de rosée à mesure qu’elles tombent. — Les horreurs ne peuvent s’oublier, répondit Catherine ; de plus, je suis maintenant inquiète de mon père, et Je ne puis m’empêcher de songer combien de braves hommes quittent en ce moment la vie à six milles de nous ou à peu près. — Vous voulez parler du combat de ces soixante champions, dont l’écuyer de Douglas nous a dit un mot hier ? Ce serait un spectacle à voir pour un ménestrel ; mais maudits soient mes yeux de femme !… ils ne peuvent jamais voir deux épées se croiser sans être éblouis. Mais voyez donc, regardez par ici, Catherine, par ici ! ce messager qui court si vite apporte certainement des nouvelles de la bataille. — Il me semble que je connais celui qui déploie tant d’activité, dit Catherine… Mais si c’est celui que j’imagine, de fatales pensées pressent ses pas. »

Tandis qu’elle parlait, l’étranger se dirigeait vers le jardin, le petit chien de Louise se précipita à sa rencontre en aboyant comme un furieux, mais il revint bientôt gronder, et se blottir derrière sa maîtresse ; car les animaux eux-mêmes savent distinguer quand un homme est entraîné par l’énergie frénétique d’une passion irrésistible, et craignent de passer devant lui ou de se rencontrer sur ses pas. Le fugitif s’élança dans le jardin, toujours en courant ; sa tête était nue, sa chevelure en désordre. Sa riche tunique et tous ses vêtements paraissaient avoir été récemment trempés dans l’eau, ses bottines de cuir étaient percées et fendues, et son pied tachait la terre de sang ; son visage était sauvage, hagard, enflammé, ou, comme disent les Écossais, élevé.

« Conachar ! » dit Catherine, tandis qu’il avançait sans avoir l’air d’apercevoir ce qui était devant lui, comme font les lièvres, dit-on, quand ils sont rudement pressés par les chiens ; mais il s’arrêta court dès qu’il entendit son nom.

« Conachar, reprit Catherine, ou plutôt Éachin Mac-Jan, que veut dire cette fuite ?… Le clan de Quhele a-t-il éprouvé une défaite ? — J’ai porté les noms que me donne cette jeune fille, » dit le fugitif après avoir réfléchi un moment. « Oui, on m’appelait Conachar quand j’étais heureux, et Éachin quand j’étais puissant. Mais aujourd’hui je n’ai plus de nom, et le clan dont vous parlez n’existe plus ; vous êtes insensée de parler de ce qui n’existe pas à un être qui n’a pas d’existence. — Hélas ! infortuné… — Et pourquoi infortuné, je vous prie ? s’écria le jeune homme. Si je suis un lâche et un infâme, n’ai-je pas l’infamie et la lâcheté pour