Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/117

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répondre un seul mot, sinon qu’il me recommandait de prendre patience, et il fallut bien m’y résigner, de même que votre archer que je trouvai en sentinelle devant la porte de la cellule, et se contentant de l’assurance que lui avaient donnée les sœurs qu’il n’y avait pas d’autre issue par où Augustin pût s’échapper. Enfin la porte s’ouvre, et mon jeune maître se présente complètement équipé pour son voyage. En vérité, je crois qu’une attaque récente de sa maladie a beaucoup affecté le jeune homme ; il se pourrait encore qu’il fût quelque peu hypocondre, qu’il fût tourmenté par la bile noire, espèce de mal qui trouble l’esprit, et qui parfois accompagne et indique la contagion ; mais à présent il est bien remis, et si Votre Seigneurie désire le voir, il attend vos ordres. — Amenez-le donc ici, dit le chevalier. » Et un espace considérable de temps s’écoula encore avant que l’éloquence de l’abbé, moitié grondant et moitié priant, eût décidé la jeune dame, qui était toujours déguisée, à venir au salon, où elle se présenta enfin avec un visage où l’on pouvait encore découvrir des traces de larmes, et avec la mine maussade d’un jeune garçon ou plutôt l’air réservé d’une jeune fille qui est déterminée à faire ce que bon lui semblera, et bien résolue à ne donner aucune raison de sa conduite. La précipitation qu’elle avait mise à s’habiller ne l’avait pas empêchée de disposer avec tout le soin possible le déguisement à l’aide duquel elle voulait se faire passer pour un pèlerin, de manière à se changer tout-à-fait et à bien cacher son sexe. Mais par politesse elle ne pouvait garder un grand chapeau rabattu sur sa tête, et elle laissa nécessairement voir sa figure plus qu’elle ne l’aurait voulu. Mais, quoique le chevalier pût contempler à son aise son joli minois, son visage néanmoins n’était pas tel qu’il dût trahir le rôle qu’elle avait adopté et qu’elle était résolue à jouer jusqu’à la fin. Aussi s’était-elle armée d’un degré de courage qui ne lui était pas naturel, et qu’elle entretenait peut-être par des espérances mal fondées. Dès l’instant où elle se trouva dans le même appartement que de Valence, elle prit des manières plus hardies et plus décidées.

« Votre Seigneurie, » dit-elle en s’adressant la première au jeune homme, « est chevalier d’Angleterre et possède sans doute les vertus qui conviennent à ce noble titre. Je suis un malheureux garçon, obligé, par des motifs que je dois tenir secrets, à voyager dans un pays dangereux, où je suis soupçonné, sans juste cause, de prêter la main à des complots et à des conspirations contraires à mon propre intérêt, dont mon âme même a horreur, et que je