Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/149

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trant avec sa lance le buisson au milieu duquel serpentait un étroit sentier à peine visible, il sembla indiquer à la dame que sa route était dans cette direction, et qu’il ne l’empêcherait pas davantage de la suivre.

« Ne venez-vous pas avec moi ? » dit Augusta qui, habituée à la compagnie de cet homme depuis qu’ils avaient quitté le couvent, en était venue à le regarder comme une espèce de protecteur. Il secoua la tête d’un air grave comme pour s’excuser d’accéder à une requête qu’il n’était pas en son pouvoir de satisfaire ; et, tournant son coursier dans une direction différente, il s’éloigna d’un pas qui le mit bientôt hors de vue. Augusta n’eut plus alors d’autre alternative que de prendre le chemin du buisson qui avait été suivi par Marguerite de Hautlieu, et elle y entrait à peine lorsque ses yeux furent frappés d’un spectacle singulier.

Les arbres devenaient plus grands à mesure que la dame avançait, et lorsqu’elle pénétra dans le bois lui-même, elle s’aperçut que, quoique bordé par un enclos de taillis, il était à l’intérieur entièrement rempli par des arbres magnifiques qui semblaient les ancêtres de la forêt ; ils étaient fort peu nombreux, et suffisaient cependant, par la grande étendue de leurs épais rameaux, pour ombrager tout le terrain libre. Sous un de ces arbres gisait une masse grisâtre, qui, en s’élevant de terre, se trouva être un homme revêtu d’une armure, mais d’une armure si bizarre, qu’elle ne pouvait être attribuée qu’à un des singuliers caprices propres aux chevaliers de cette époque. Sa cuirasse était habilement peinte de façon à représenter un squelette, dont les côtes étaient figurées par le corselet et la pièce d’acier qui couvrait le dos. Le bouclier représentait un hibou les ailes étendues, et le casque était également couvert de cet emblème de mauvais augure. Mais ce qui était particulièrement propre à exciter la surprise, c’étaient la haute taille et l’extrême maigreur de l’individu, qui, en se redressant, sembla plutôt un fantôme évoqué de sa tombe qu’un homme se remettant sur ses pieds. Le cheval sur lequel était montée lady Berkely recula et hennit de terreur, soit qu’il fût épouvanté du soudain changement de posture de ce spectre, soit qu’il fût désagréablement affecté par quelque odeur qui accompagnait sa présence. La jeune dame elle-même manifesta quelque crainte ; car, bien qu’elle ne crût pas être en présence d’un être surnaturel, cependant, parmi les déguisements bizarres et presque insensés que prenaient les chevaliers d’alors, c’était assurément le plus étrange qu’elle eût jamais vu ; et