Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/17

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Pourquoi donc est-il de si mauvaise humeur contre ce jeune garçon qui peut bien être, je crois, son fils Charles, ce petit bambin toujours éveillé, qui ne faisait que courir et tresser du jonc, il y a quelque vingt ans ? Il est heureux que nous trouvions nos amis dehors ; car, j’en réponds, Tom a une bonne pièce de bœuf dans le pot pour son souper, et il faudrait qu’il eût bien changé pour qu’un vieil ami n’en eût point sa part. Qui sait enfin, si nous étions arrivés plus tard, auraient-ils jugé convenable de tirer leurs verroux et de débarrer leurs portes si près d’une garnison ennemie ? car, à donner aux choses leur véritable nom, c’est ainsi qu’il faut appeler une garnison anglaise dans le château d’un noble écossais. — Fou que tu es, répliqua la jeune dame, tu juges sir John de Walton comme tu jugerais quelque grossier paysan pour qui l’occasion de faire ce qu’il veut est une tentation et une excuse de se montrer cruel et tyran. Mais je puis t’en donner ma parole, laissant de côté la querelle des royaumes qui, bien entendu, se videra loyalement de part et d’autre sur des champs de bataille, tu reconnaîtras que les Anglais et les Écossais, sur ce domaine et dans les limites de l’autorité de sir John de Walton, vivent ensemble comme fait ce troupeau de moutons et de chèvres sous un même chien : ennemi que ces animaux fuient en certaines occasions, mais autour duquel néanmoins ils viendraient aussitôt chercher protection si un loup venait à se montrer. — Ce n’est pas à Votre Seigneurie, répliqua Bertram, que je me permettrais d’exposer mon opinion sur ce point ; mais le jeune chevalier, lorsqu’il est recouvert des pieds à la tête de son armure, est bien différent du jeune homme qui se livre au plaisir dans un riche salon, au milieu d’une réunion de belles ; et quand on soupe au coin du feu d’un autre, quand votre hôte se trouve être Douglas-le-Noir, on a raison de tenir ses yeux sur lui pendant qu’on fait son repas… Mais il vaudrait mieux chercher des vivres et un abri pour ce soir, que de rester ici à bâiller et à parler des affaires d’autrui. » À ces mots, il se mit à crier d’une voix de tonnerre : « Dickson ! holà ; hé ! Thomas Dickson ! ne veux-tu pas reconnaître un vieil ami, bien disposé à mettre ton hospitalité à contribution pour son souper et son logement de la nuit ? »

L’Écossais, dont l’attention fut excitée par ces cris, regarda d’abord le long de la rivière, puis il leva les yeux sur les flancs nus de la montagne, et enfin les abaissa sur les deux personnes qui en descendaient.

Avant de quitter la partie abritée du vallon pour aller à leur ren-