Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/262

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« Je ne vois là rien qui mérite qu’on s’en occupe, » répliqua sèchement lady Binks.

« Certainement, c’est une belle chose d’être marié, reprit lady Pénélope ; on est si occupé de son propre bonheur qu’on n’a ni le temps ni le désir de rire comme les autres… Mais quel est le bruit que j’entends ? — Ce n’est que la querelle habituelle de l’après-dîner, répondit le ministre : j’entends la voix du capitaine, silencieuse en toute autre occasion, leur ordonner de demeurer en paix, au nom du diable et au nom des dames. — Je suis fatiguée de leurs querelles et de leur manie de se présenter éternellement leurs pistolets l’un à l’autre… Qu’en pensez-vous, chère lady Binks, si nous décidions que la première querelle qui s’élèvera sera, bona fide, vidée jusqu’au bout les armes à la main ? S’il en résulte un enterrement, nous y assisterons en corps. Le deuil sied si bien ! regardez la veuve Blower, ne lui portez-vous pas envie, ma chère ? »

Lady Binks semblait sur le point de faire une réponse prompte et mordante, mais elle se retint, se rappelant peut-être qu’elle ne pouvait pas prudemment en venir à une rupture ouverte avec lady Pénélope… Au même moment la porte s’ouvrit, et une dame en habit d’amazone, portant un voile noir sur son chapeau, parut à l’entrée de l’appartement.

« Anges et ministres de grâce ! » s’écria Pénélope d’un ton vraiment tragique ; « ma chère Clara, pourquoi si tard ? et pourquoi dans cet équipage ? Voulez-vous passer dans mon cabinet de toilette ?… Jones vous donnera une de mes robes, nous sommes de même taille… Je vous en prie, laissez-moi être vaine une fois dans ma vie de quelque chose qui m’appartienne, en vous le voyant porter.

« Vous êtes harassée, ma bonne Clara, vous avez la fièvre, » continua lady Pénélope sur le ton de l’anxiété la plus tendre ; « laissez-vous persuader de vous mettre au lit. — En vérité, vous vous trompez, » répliqua miss Mowbray, qui paraissait recevoir cette profusion de politesse et d’affection comme une affaire de convention ; « je suis un peu échauffée ; mon cheval a trotté un peu fort : voilà tout le mystère… Donnez-moi une tasse de thé, mistiess Jones, et tout sera fini. — De nouveau thé, sur-le-champ, Jones, » cria lady Pénélope, et elle prit par la main sa jeune amie qui se laissa conduire dans son coin, comme elle se plaisait à appeler l’enfoncement où elle tenait sa petite cour… Les