Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/323

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petit-fils de Roger Bigot, en 1301. — Allons donc ! vous remontez au xive siècle, et je vous parle, moi, de ces Mowbray de Saint-Ronan… Maintenant tâchez de ne pas vous rendormir avant d’avoir répondu à ma question… Ne me regardez point comme un lièvre effaré… je ne vous dis rien qui sente la haute trahison. »

Le ministre garda un moment le silence… comme fait ordinairement un homme distrait qui ressaisit le cours de ses idées, ou comme un somnambule subitement éveillé… Et il répondit ensuite, en hésitant :

« Mowbray de Saint-Ronan… Ah ! oui ! je connais cela… j’ai connu cette famille. — Ils vont donner une mascarade, un bal paré, un spectacle de société, et quoi encore ? » dit M. Touchwood en prenant sa carte.

« J’ai vu quelque chose de semblable, il y a quinze jours, reprit M. Cargill ; j’ai reçu moi-même une carte comme celle-là. J’en ai vu une du moins. — Et êtes-vous bien sûr que vous n’avez point déféré à cette invitation ? demanda le nabab. — Déféré à cette invitation ! vous plaisantez, monsieur Touchwood. — Mais, en êtes-vous bien sûr ? » répéta M. Touchwood, qui avait remarqué, à son extrême amusement, que le savant théologien avait tellement la conscience de ses distractions, qu’il n’était positivement sûr de rien.

« Bien sûr, » répéta-t-il avec embarras : « ma mémoire est si mauvaise que je n’aime à rien affirmer… mais si j’avais fait une chose si éloignée de mes habitudes ordinaires, j’en aurais conservé le souvenir… on peut croire… et… je suis sûr que je n’ai point été à cette fête. — Et cela vous aurait été bien difficile, » répliqua le nabab, riant de la marche que l’esprit de son ami avait été obligé de suivre pour éclaircir ses doutes… « car cette fête n’a pas eu lieu… elle a été remise ; et voici la seconde invitation… il y aura une carte pour vous, si vous en avez reçu une la première fois… Allons, docteur, allons : il faut y venir ; nous nous y rendrons ensemble… moi, sous le costume d’iman… car je puis dire mon bis millah aussi bien qu’aucun hadgi du monde… vous sous celui de cardinal, ou tel autre que vous choisirez. — Comment ? moi ! répondit le ministre ; cela ne conviendrait point à ma profession, monsieur Touchwood… c’est une folie qui ne s’accorde nullement avec mes habitudes. — Tant mieux !… vous changerez d’habitudes.

« Vous ferez bien d’y aller, monsieur Cargill, dit mistress Dods, car ce pourra bien être la dernière fois que vous verrez miss Mow-